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L’impact de l’ascension chinoise en Amérique latine et Caraïbes (ALC). (Note)

Résumé :
•    La Chine est désormais le deuxième partenaire commercial de l’Amérique latine et Caraïbes (ALC). La région joue un rôle stratégique pour assurer son approvisionnement en matières premières. Les exportations de l’ALC vers le géant asiatique sont donc extrêmement concentrées sur les produits à faible valeur ajoutée (secteur primaire).  

•    La Chine est un partenaire financier de plus en plus important pour la région (prêts souverains et investissements directs étrangers (IDE), bien que l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis demeurent les principaux investisseurs. Les IDE et prêts chinois sont davantage orientés vers les matières premières mais se diversifient.

•    Le changement de modèle chinois (reposant davantage sur la consommation interne) ainsi que le ralentissement prévu de la croissance économique et de la demande de matières premières, sont une opportunité pour rééquilibrer les relations commerciales.

•    Le déploiement de la diplomatie économique chinoise parfois controversée, suscite de nombreuses questions quant à son impact sur les pays latino-américains et caribéens.

 

 

Au cours des deux dernières décennies, la Chine a considérablement renforcé sa présence dans les pays d’Amérique latine et Caraïbes (ALC). La deuxième puissance mondiale s’est convertie en un partenaire commercial et financier stratégique pour la région. Ce protagonisme grandissant nous invite engager une réflexion sur l’impact qu’il génère. La présence chinoise représente-t-elle une opportunité ou une menace pour la région ? La question est d’autant plus importante au vu des performances plus que mitigées de nombreux pays latino-américains au cours de ces dernières années (taux de croissance moyen du PIB proche de 0 % en 2019, tensions sociales et politiques croissantes, augmentation du taux de pauvreté, etc.).

1.    Croissance et déséquilibres des relations commerciales bilatérales

L’analyse des échanges bilatéraux permet de constater la montée en puissance de la Chine qui est désormais le 2ème client et le 2ème fournisseur de l’ALC. En effet, le pays asiatique représente désormais 12 % des exportations et 18 % des importations de la région. Entre 2004 et 2019, les exportations et importations de l’ALC ont été multipliées par 10 et 7,6.  Certains pays comme le Chili ou le Pérou sont particulièrement dépendants vis-à-vis de la Chine qui représente respectivement 31 % et 29 % de leurs exportations (vs. 1,5 % dans le cas du Mexique). De plus, le commerce bilatéral de biens se caractérise par un déficit structurel pour l’ALC. Après avoir atteint un pic historique en 2015 (84 Mds €), le déficit a reculé mais reste élevé (55 Mds €).

 

Graphique 1 : Echanges commerciaux de biens ALC – Chine (Mds €)
 
Source : Trademap (Centre du commerce international – agence de l’OMC et des Nations Unies)/ Elaboration : BSI Economics


Plus précisément, après plusieurs années de déficit, l’Amérique du Sud est parvenue à renouer avec un solde commercial excédentaire vis-à-vis de la Chine (+22,3 Mds € en 2018) alors que le reste de la région (principalement le Mexique) ne cesse de voir sa balance commerciale se dégrader (-68 Mds € en 2019). Si l’on analyse la situation pays par pays au sein de la région dans son ensemble, on remarque que seuls quatre d’entre eux, tous situés en Amérique du Sud, présentent un excédent (Brésil, Pérou, Chili et Uruguay). Cette situation s’explique par le fait que les exportations de l’Amérique latine et Caraïbes sont essentiellement composées des matières premières que la deuxième puissance mondiale nécessite tant, or c’est en Amérique du Sud qu’on retrouve les principaux pays producteurs de ces produits alors que d’autres comme le Mexique, sont davantage spécialisés dans les produits industriels.

Parallèlement, la composition des exportations de l’ALC vers la Chine montre que celles-ci sont concentrées sur un nombre restreint de produits à faible valeur ajoutée (en grande partie des matières premières). Ce phénomène croissant est beaucoup plus marqué que dans le cadre des exportations de l’ALC vers le reste du monde (cf. tableau 1 et 2). Ceci soulève des questions concernant l’impact environnemental de l’exploitation de ces matières premières et la volatilité des cours mondiaux (risque de dégradation brutale des termes de l’échange).

 

Tableaux 1 et 2 : Composition des exportations de l’Amérique latine et Caraïbes (ALC)

 


La Chine est également un concurrent des pays latino-américains sur les autres marchés. Ainsi, le Mexique a souffert d’un phénomène d’éviction et de perte d’opportunités sur le marché des Etats-Unis au profit de la Chine. Entre 2001 et 2019, la part du géant asiatique dans les importations étasuniennes a bondi de 9 à 18,4 % alors que la part mexicaine augmentait plus modérément de 11,5 à 14,1 %. La croissance de la productivité (+250 % entre 2004 et 2019 en Chine vs. 0 % au Mexique pour le facteur travail), l’augmentation de la valeur ajoutée, et le faible coût du travail en Chine lui ont permis de s’imposer comme le principal fournisseur des Etats-Unis. Néanmoins, la tendance s’inverse puisque depuis 2018 la part de marché de la Chine recule contrairement à celle du Mexique, sous l’effet du resserrement des coûts salariaux entre les deux pays et de la politique protectionniste de D. Trump. Cette dernière impacte moins le Mexique qui bénéficie d’un accès privilégié au marché des Etats-Unis (traité de libre-échange).  

2.    Les effets ambivalents des investissements et financements chinois

Des prêts souverains orientés vers les pays les moins solvables et les matières premières
De 2005 à 2019, la Banque de Développement chinoise (CDB) et la Banque Chinoise d’import / export ont octroyé 137 Mds USD de prêts souverains à l’ALC. Ces derniers visent en priorité les pays dont la notation financière est relativement mauvaise (catégorie spéculative) palliant ainsi leur accès restreint aux marchés financiers internationaux (Venezuela (45 %), l’Equateur (13 %) et l’Argentine (12 %) et dans une moindre mesure le Brésil qui rencontre tout de même moins de problèmes pour se financer (21 %)). Cependant, au nom du principe de non-ingérence dans les affaires internes, la Chine n’impose pas de contreparties en matière de bonne gouvernance. Ce concept, promu notamment par la Banque mondiale, a pour objectif « d’aider les pays à se doter d’institutions compétentes, efficaces, ouvertes, inclusives et responsables » . A l’inverse, les critères privilégiés par le géant asiatique sont l’origine chinoise des produits utilisés dans les projets et la sécurisation des remboursements (livraison de pétrole en contrepartie). De plus, ces prêts se concentrent dans les secteurs primaires (68 % dans l’énergie-matières premières).  

Néanmoins, force est de constater que ces flux de prêts ont fortement reculé et sont désormais relativement faibles (1,1 Mds USD en 2019 vs. 12 Mds USD pour la banque inter-américaine de développement (IDB) et 5 Mds USD pour la Banque d’Amérique latine (CAF)). En effet, le Brésil a anticipé ses remboursements, l’Equateur tente de réduire son endettement (plan FMI et plafond constitutionnel) et au Venezuela, l’instabilité a incité la Chine à réduire sa voilure.   

La progressive diversification des IDE (investissements directs étrangers)
De 2015 à 2019, la part de la Chine dans le total des projets d’IDE en ALC, s’est élevée à 11,5 % . Les IDE chinois dans la région ont la particularité d’être davantage concentrés dans les activités matières premières, l’agro-industrie, l’énergie et les infrastructures. A l’inverse, le géant asiatique joue un rôle marginal en matière d’investissements directs étrangers à fort contenu technologique. Cette répartition sectorielle réduit les bénéfices des IDE puisque lorsqu’ils sont destinés au secteur primaire, ils tendent à créer moins d’emplois que les investissements dans l’industrie et les services. Malgré tout, le pays diversifie peu à peu son portefeuille d’investissements puisque la part des services est passée de 20 % en moyenne entre 2002 et 2013 à 38 % entre 2013 et 2016 . Les énergies renouvelables et les infrastructures ont également vu leur part augmenter.  

3.    Perspectives : vers un rééquilibrage nécessaire des relations bilatérales ?

Les perspectives en matière de relations bilatérales seront marquées par le changement du modèle économique chinois. La croissance du pays devrait progressivement ralentir et la consommation de certaines matières premières atteindra prochainement un pic (2025-2030  pour le pétrole) impactant les pays exportateurs de ces produits (Venezuela, Colombie, etc.).
 
Cependant, la transformation de l’économie chinoise est également une source d’opportunités pour la région. D’une part, l’augmentation de la demande des biens de consommation de la part de la classe moyenne (550 millions de personnes d’ici 2023 ) pourrait profiter aux exportations industrielles mexicaines. D’autre part, les classes moyennes diversifient et modifient leur régime alimentaire (augmentation des revenus, urbanisation et exode rurale, amélioration des chaînes logistiques et du transport des aliments, etc.). La consommation alimentaire devrait progresser de 33 % sur la période 2015-2050 et s’orientera en partie vers les fruits exotiques et les produits d’origine animale de qualité. L’Amérique du Sud dont le potentiel agricole est très important pourrait en profiter pour accroître et diversifier les exportations de ce secteur vers la Chine, à condition d’améliorer la qualité et traçabilité de sa production agroalimentaire.  

Enfin, la géopolitique revêt une importance capitale pour le futur des relations bilatérales. La coopération ALC-Chine ne cesse de se renforcer alors que les Etats-Unis se replient comme le montre leur retrait du Partenariat Trans-Pacifique. La diplomatie économique chinoise repose sur le projet de la route de la soie (à laquelle ont adhéré le Costa Rica, Panama, Guyane, Cuba, République Dominicaine, etc.) et la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures dont fait partie la majeure partie de la région, à l’exception notable du Mexique et de la Colombie (très proches des Etats-Unis). A noter tout de même que les conséquences de cette diplomatie économique sont difficiles à évaluer. La nouvelle route de la soie permet certes d’améliorer les infrastructures de transport (ports, logistique, etc.) mais dans le but de favoriser les exportations chinoises et au prix d’un fort endettement des pays bénéficiaires (risque de dépendance financière).

Conclusion

La Chine est devenue un partenaire clé pour l’Amérique latine, tant au niveau commercial que financier. Néanmoins, ces relations reposent en grande partie sur le secteur primaire dont les effets sur le développement de la région sont mitigés et ambivalents (externalités négatives, faible valeur ajoutée et contenu technologique, création d’emplois modestes, etc.). C’est pourquoi un rééquilibrage des relations bilatérales est nécessaire afin que l’Amérique latine en profite pleinement. A ce titre, l’émergence de la classe moyenne chinoise représente une opportunité pour les exportations de l’ALC industrielles et agroalimentaires (actuellement concentrées sur un faible nombre de produits tels que le soja). De plus, si elle se poursuit, la réorientation des IDE chinois vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée, pourrait avoir des effets bénéfiques sur la région. Au-delà de la croissance échanges commerciaux de financiers, l’ALC espère que les prochaines années seront marqueront la diversification des relations bilatérales.

Bibliographie

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 Jacopo Timini and Ayman El-Dahrawy Sánchez-Albornoz.

“FMI dice que la economía de América Latina se estancó en 2019 y ve riesgos por crisis sociales este año”, 2020, América economía.

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