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Référendum en faveur du Brexit : un vote déjà lourd de conséquences sur l’économie britannique (Note)

Utilité de l’article : Près de trois ans après le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, cet article vise à faire l’état des lieux des répercussions sur l’économie britannique. L’incertitude n’a pas été sans conséquence pour les ménages et les entreprises.  

 

Résumé :

  • Le référendum a fortement affecté l’économie britannique avec des conséquences immédiates pour les ménages (dépréciation importante de la livre, perte de pouvoir d’achat);
  • Le ménage moyen britannique a vu ses dépenses augmenter de près de 404 livres une année après le referendum ;
  • La perte de PIB, du fait de l’incertitude autour de l’accord à venir, est estimée à 2 % dans les deux années qui ont suivies le référendum ;
  • Le référendum a conduit les entreprises britanniques à investir davantage dans les 27 autres pays de l’UE aux dépens de l’investissement domestique. 181 projets d’investissements supplémentaires ont été réalisés en deux ans (entre juin 2016 et juin 2018).

 

Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni a voté la sortie de l’Union Européenne (U.E.). Le gouvernement britannique a officialisé sa démarche le 29 mars 2017, fixant la date butoir de sortie effective au 29 mars 2019. Après de longues négociations et l’impossibilité de trouver un consensus, cette date a finalement été repoussée au 31 octobre 2019. Plus de deux ans après le référendum, l’incertitude est loin d’être levée sur le sort des relations commerciales entre le Royaume-Uni et l’U.E. Nombreux sont les travaux académiques qui ont étudié les conséquences des différents scénarios sur l’économie britannique et ses partenaires à long terme. Les études s’accordent dans leur ensemble sur le fait que la sortie de l’U.E. sera particulièrement coûteuse pour le Royaume-Uni, l’ampleur des coûts étant fonction de la nature des relations entre les deux parties. A défaut de spéculer sur la tournure des événements, exercice qui s’apparenterait aujourd’hui à celui d’un medium, cet article se concentre sur les conséquences du référendum sur l’économie britannique ces dernières années.

 

1. Le référendum, un choc important…

Le référendum a incontestablement été un choc important pour l’économie britannique. Dans les jours qui ont précédé le référendum, les sondages d’opinion prévoyaient un vote serré. Les marchés de paris, en revanche, impliquaient une probabilité d’environ 85 % que le Royaume-Uni choisisse de rester dans l’U.E. (The Economist, 2016), reflétant ainsi l’idée reçue selon laquelle les électeurs indécis opteraient pour le statu quo. Mais dès les premières heures du 24 juin 2016, il est devenu évident que le Royaume-Uni avait voté en faveur de son départ. Cela a entraîné un changement immédiat des attentes concernant l’avenir économique du Royaume-Uni. À l’ouverture des marchés financiers, le 24 juin, la livre sterling s’est dépréciée et l’indice boursier FTSE 100 a chuté de 3,8 %. Les entreprises les plus exposées aux marchés britannique et européen ont été confrontées à des baisses du cours de leurs actions plus marquées (Davies et Studnicka, 2017).

Le vote a intensifié l’incertitude : le Royaume-Uni allait-il (va-t-il) réellement quitter l’U.E. ? Auquel cas, quand cela arriverait-il ? Quelles relations le Royaume-Uni entretiendrait-il avec l’U.E. après le Brexit ? Les réponses à ces questions et à celles en découlant étaient inconnues à la suite du référendum et le sont, pour la plupart, encore aujourd’hui. Le référendum a également diminué les chances que, dans le futur, le Royaume-Uni s’ouvre davantage au commerce, aux investissements et à l’immigration avec l’U.E.

Une ouverture réduite devrait diminuer le niveau de vie du pays en augmentant les coûts commerciaux et en faisant de celui-ci une destination moins attrayante pour les investissements étrangers (Dhingra et al., 2017). En conséquence, la diminution de l’ouverture constitue un choc négatif sur la performance économique future du Royaume-Uni. La livre s’est dépréciée vis-à-vis des principales monnaies (euro, dollar, yen, yuan) après le referendum. Le graphique ci-dessous représente l’évolution d’un indice de taux de change de la livre calculé sur la base d’une moyenne des taux de changes bilatéraux pondérés par les importations (taux de change effectif). Cette évolution concorde avec la rétrogradation par les opérateurs de marché de leurs attentes à l’égard de l’économie britannique.

Graphique 1 : Evolution de la livre sterling, 2015-2017

Source : Breinlich et al. (2017) Notes : Indice calculé sur la base d’une moyenne des taux de changes bilatéraux pondérés par les importations britanniques en 2013. Indice normalisé à 100 en janvier 2015.

 

2. … avec des conséquences immédiates

2.1. Impact sur les ménages

Après le référendum, l’inflation britannique a fortement augmenté. La hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation (IPC) est passée de 0,4 % en juin 2016 à 3,0 % en septembre 2017. Ceci tient probablement en grande partie à l’augmentation des coûts des importations, conséquence directe de la dépréciation de la livre. Afin d’évaluer cet effet nous avons construit, avec des collègues de la LSE, une mesure de la part des importations dans la consommation de chaque bien utilisé dans la construction de l’IPC. Cette mesure prend en compte non seulement les importations directes de biens finaux mais aussi les importations de biens intermédiaires utilisés pour leur production. Le graphique ci-dessous distingue le taux d’inflation des biens les plus dépendants des importations de ceux qui le sont moins. Nous constatons qu’après le référendum, l’inflation a augmenté rapidement pour le groupe dont la part des importations est élevée, tandis que la hausse de l’inflation est plus lente et beaucoup plus modérée pour l’autre groupe. Une analyse statistique rigoureuse, prenant en compte les différences intrinsèques de taux d’inflation entre produit, les fluctuations des prix du pétrole et les pressions inflationnistes globales, confirme la tendance illustrée par ce graphique.
 
Graphique 2 : Inflation des prix des biens plus ou moins dépendants des importations, 2015-2017