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Les règlements européens permettront-ils une véritable transition vers une économie durable ? (Etude)

 

Résumé

  • Les modèles économiques contemporains ont permis un développement significatif dans les pays industrialisés mais posent aujourd’hui certains problèmes sur le plan environnemental et en termes d’autonomie des pays de la Zone Euro.
  • Le régulateur s’intéresse de plus en plus aux questions environnementales et climatiques ; trois textes réglementaires sont aujourd’hui relativement aboutis dans la matière :  le règlement sur la durabilité des investissements (SFDR), le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables sur le plan environnemental (accompagné de ses actes délégués) et le projet de normes techniques d’exécution Pilier III ESG (environnement, social, gouvernance).
  • Bien que ces textes couvrent l’ensemble des enjeux ESG, ils se concentrent particulièrement sur la partie climatique. Or, d’autres risques environnementaux mériteraient également une attention particulière, notamment celui de l’érosion des écosystèmes et la biodiversité.
  • Afin de limiter l’impact environnemental et de mieux atteindre les objectifs d’atténuation du changement climatique, les règlements devraient également inciter à plus de sobriété. Ils devraient notamment dissuader la production ou l’importation d’un certain nombre de biens et services dont l’existence ne procure pas un réel gain de bien-être alors que l’impact environnemental est significatif.
  • Enfin, compte tenu de l’urgence climatique et environnementale, il serait raisonnable d’arbitrer en faveur d’une économie résiliente et durable, même si cela pourrait engendrer une baisse des rendements financiers et de la croissance économique à court et moyen terme.

 

 

 

L’économie de marché et du libre-échange des cinq dernières décennies a permis un développement économique significatif des pays industrialisés. Le principe de l’économie d’échelle, consistant à minimiser les coûts unitaires en augmentant la quantité de production, ont été au cœur des modèles économiques contemporains. Ce principe a par ailleurs conduit à une mondialisation de l’économie et une dérégulation du système bancaire et financier à partir des années 1970.

Néanmoins, ces modèles économiques posent aujourd’hui un certain nombre de problèmes sur le plan environnemental et en termes d’autonomie des pays de la Zone Euro. En effet, ces modèles reposent fortement sur l’utilisation de ressources naturelles, dont les ressources fossiles, une forte transformation de ces ressources (processus qui émet des gaz à effets de serre et génère souvent une pollution des eaux et des sols) et, souvent, une délocalisation de la production pour produire davantage et à moindre coût, générant par-là des transports de longue distance (fortement émetteurs de gaz à effet de serre) et un manque d’autonomie de production de certains produits essentiels.  

De plus, la croissance continue de la consommation a généré une forte exploitation des ressources naturelles, mettant en question la durabilité de notre modèle économique et les conditions de vie des populations humaines et des autres espèces vivantes.  

Enfin, l’utilisation massive des énergies fossiles pour alimenter l’industrie et maintenir la production a créé une forte dépendance à ces énergies, ce qui rend complexe aujourd’hui la transition vers des énergies décarbonées.  

Depuis 2020, les critères environnementaux et climatiques commencent à être intégrés par les instances de régulation et de supervision européennes avec pour objectifs principaux la gestion prudentielle des risques ESG[1], l’alignement sur les objectifs de l’accord de Paris[2] et plus de transparence sur les risques et l’impact climatiques. Pour l’instant, trois textes réglementaires peuvent-être considérés comme relativement aboutis dans la matière : le règlement sur la durabilité des investissements (SFDR), le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables sur le plan environnemental (accompagné de ses actes délégués) et le projet de normes techniques d’exécution Pilier III ESG. Ces trois textes répondent également à une demande croissante de la part des investisseurs et des épargnants pour investir dans des projets ou produits financiers durables sur le plan environnemental.

L’objectif de cette note est d’analyser ces textes réglementaires, notamment s’ils permettent ou non des changements réels et profonds en matière climatique et environnementale. C’est également d’offrir quelques pistes de réflexion mettant en avant le principe de la sobriété. Ces pistes favorisent la résilience et la durabilité d’une économie, bien que cela pourrait engendrer des rendements financiers et une croissance économique plus faibles à court et moyen terme.

 

 

1. Un état des lieux des principaux textes en matière financière relatifs au climat et à l’environnement

Les textes règlementaires les plus aboutis en matière de prise en compte des critères climatiques et environnementaux sont le règlement sur la durabilité des investissements (SFDR), le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables sur le plan environnemental (accompagné de ses actes délégués) et le projet de normes techniques d’exécution Pilier III ESG [3].

Le règlement SFDR concerne les acteurs des marchés financiers (entreprises de gestion de portefeuille, fonds d’investissement, assurances etc.), le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables sur le plan environnemental concerne toutes les entreprises (financières et non financières) de plus de 500 salariés, et le Pilier III ESG l’ensemble des établissements de crédit émettant des titres cotés sur un marché réglementé de l’UE.

Le règlement SFDR a pour objectif plus de transparence concernant la durabilité des investissements. En effet, dans le but de réduire l’asymétrie de l’information entre investisseurs et acteurs des marchés financiers ou conseillers financiers, ce règlement exige à ces derniers de publier des informations (précontractuelles et durant la vie d’un contrat) sur l’intégration des risques de durabilité ainsi que sur la prise en compte des effets négatifs de ces risques et des caractéristiques environnementales et sociales des investissements. Ce règlement permet de répondre à une demande croissante des investisseurs d’investir sur des actifs financiers durables et respectueux de l’environnement. Ainsi, les investisseurs, de plus en plus sensibles aux questions de durabilité, peuvent distinguer plus aisément les investissements dits « durables » et faire des choix d’investissement leur permettant de minimiser l’impact environnemental.

Le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables modifie et complète le règlement SFDR, notamment en permettant d’identifier le caractère durable d’une activité économique sur le plan environnemental. Cette identification permet donc de déterminer le degré de durabilité environnementale d’un investissement. Une activité est considérée durable au sens du règlement sur la Taxonomie si cette activité contribue substantiellement à un ou plusieurs objectifs environnementaux[4], ne cause pas de préjudice important aux autres objectifs environnementaux (auxquels elle ne contribue pas), s’exerce dans le respect des droits de l’homme et du travail établis au niveau international, et est conforme aux critères d’examen techniques établis par la Commission Européenne (par voie d’actes délégués). Ce règlement requiert également la publication de ratios financiers témoignant de l’alignement de l’activité des entreprises financières et non-financières sur la Taxonomie. Àtitre d’exemple, les entreprises non-financières sont contraintes de publier la part de leur chiffre d’affaires, et de leurs dépenses d’investissement et d’exploitation répondant aux critères étayés dans la Taxonomie[5], tandis que les établissements de crédit doivent, entre autres, publier le ratio d’actifs « verts » (GAR, Green Asset Ratio), à savoir le ratio de leur bilan correspondant aux objectifs de la Taxonomie.

Enfin, le « règlement » Pilier III ESG consiste à introduire des informations sur les risques ESG dans les publications Pilier III[6] des établissements. Il est complémentaire au règlement de la Taxonomie s’agissant de la transparence des établissements de crédit. Il permet de donner aux investisseurs et aux épargnants une vision des risques environnementaux et climatiques auxquels s’expose un établissement de crédit, ainsi que les mesures prises par ce dernier afin d’atténuer ces risques. Les investisseurs et clients d’une banque pourraient ainsi savoir si cette dernière finance des activités émettrices et, si oui, la part de financement de ces activités dans son portefeuille, au travers de deux ratios : le ratio d’actifs « verts » (cf. ci-dessus) et le ratio d’actifs « verts » du portefeuille bancaire (BTAR).

 

 

2. Quelques éléments d’analyse critique des textes

SFDR

La transparence exigée par le règlement SFDR en ce qui concerne la durabilité des investissements et des produits financiers incitent les entreprises d’investissement à prendre en compte d’une manière croissante les critères ESG, rendant ainsi possible l’orientation des investissements vers des projets plus durables. Cela donne également un signal positif au marché, notamment l’existence d’investissements qui n’ont pas uniquement pour objectif de maximiser la rentabilité, mais également d’investir d’une manière responsable. Plusieurs fonds proposent d’ores et déjà des produits « ESG », « climat », « économie circulaire », « neutralité carbone 2050 » etc. Néanmoins, cette transparence repose sur des labels ou « score » ESG qui ont commencé à se développer récemment. Or, les méthodes qu’existent aujourd’hui pour classer un actif en « actif vert » ou « actif ESG » restent limitées et insuffisamment élaborées, notamment en termes de critères pris en compte : elles sont ainsi souvent restreintes sur quelques critères seulement. Nous pouvons penser que le règlement SFDR aura d’avantage d’effet dans le « verdissement » de la finance et des investissements lorsque ces méthodes seront d’avantage élaborées.

Taxonomie

Le règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables sur le plan environnemental apporte une grande nouveauté en ce que, désormais, parmi les variables financières classiques, celles tenant compte de la durabilité environnementale (et particulièrement de l’impact sur le changement climatique) sont introduites et mises à disposition du régulateur, des investisseurs et de la société civile. Cela permet ainsi d’identifier de manière suffisamment fine de quelle manière les activités d’une entreprise éligible contribuent à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Les entreprises auront alors tendance à diminuer les activités très émettrices de gaz à effet de serre et à favoriser le développement de celles alignées sur la Taxonomie[7].

En revanche, le dispositif n’est à ce jour pas encore complet sur le plan environnemental ; en ce qu’uniquement les critères de durabilité de point de vue de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques ont été développés (par voie d’actes délégués). Or, d’autres objectifs environnementaux – détaillés aux articles 12 à 15 du règlement – doivent faire l’objet de critères d’évaluation spécifiques pour l’ensemble des activités économiques. Àtitre d’exemple, la pollution d’origine anthropique et la réduction significative des écosystèmes (notamment par la déforestation) exercent une pression considérable sur l’environnement (i.e.,chute significative des populations d’animaux sauvages et 6ième extinction de masse). Aussi, la Taxonomie devrait être élargie sans délai sur ces objectifs environnementaux, tel que prévu par le règlement.

Ce règlement devrait aussi introduire la notion de gain de bien-être d’une activité économique. Ainsi, certaines activités incitent à davantage de consommation sans réelle amélioration du bien-être, assortie d’effets néfastes sur l’environnement, voire sur la santé des populations humaines : elles devraient pouvoir faire l’objet de désinvestissement, voire d’une taxation plus importante. Cela permettrait de favoriser les activités dites « essentielles » et celles qu’on peut estimer utiles pour la société. Cela serait compatible avec la notion de la sobriété – l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre le changement climatique et les risques environnementaux.

Pilier III ESG

En sus des différentes informations ESG qu’il impose aux établissements de crédit de publier, l’ITS[8]Pilier III ESG publié par l’EBA[9] introduit un nouveau ratio complétant le ratio GAR : le ratio BTAR (i.e. le ratio d’actifs « verts » du portefeuille bancaire). Ce ratio permet de remédier aux « inconvénients » du ratio GAR (défini par la Taxonomie) qui exclut du nominateur certains types d’actifs, alors qu’il les inclut dans le dénominateur. Il s’agit notamment des expositions sur les entreprises qui ne sont pas concernées par la directive NFRD[10] (en-deçà de 500 salariés), ainsi que les expositions du portefeuille de négociation (trading book), ce qui biaise le ratio GAR à la baisse pour les établissements qui ont de telles expositions. Le ratio BTAR permet ainsi d’avoir un ratio d’actifs verts plus juste car il considère les mêmes types d’actifs dans le nominateur et dans le dénominateur. Cependant, il est limité au périmètre du portefeuille bancaire (« banking book »).

L’ITS Pilier III ESG est une grande nouveauté dans les publications des banques et permettrait de rendre plus « verts » leurs portefeuilles de prêts. Néanmoins, les informations quantitatives à publier sont à ce stade uniquement concentrées sur les risques climatiques. De plus, dans la version finale de l’ITS, deux éléments importants ont été modifiés par rapport à la version de consultation.

  • Le premier concerne la proposition initiale des expositions sur chacune des entreprises de la liste des vingt contreparties les plus émettrices au niveau mondial, européen ou par Etat membre de l’UE. Celle-ci a été remplacée par l’exigence de publication de l’exposition agrégée sur les 20 contreparties les plus émettrices au niveau mondial seulement. Ainsi, au travers de l’argument du secret bancaire, les banques semblent avoir convaincu le régulateur que la mention de leurs clients particulièrement intensifs en carbone ne devait apparaître dans les publications de Pilier III. Or, sans ce type de publications, les contreparties revêtent a priori moins d’incitation directe à transformer leur modèle économique car leur nom ne sera pas affiché publiquement dans la liste des entreprises les plus polluantes.
  • Le second concerne la proposition initiale de publication de la probabilité de défaut moyenne des secteurs auxquels les banques s’exposent et identifiés comme particulièrement émetteurs en gaz à effet de serre. Supprimée de la version finale de l’ITS, les investisseurs et les déposants n’ont ainsi pas la possibilité de connaître la prise en compte des risques ESG dans les modèles internes de notation des banques, réduisant la portée de l’aperçu complet du risque de crédit des portefeuilles de prêts des établissements.

 

 

3. Proposition de quelques nouvelles pistes pour une économie plus durable et éco-responsable

Les chercheurs du Centre de Résilience de Stockholm affirmaient en 2009 que les pressions anthropiques ont atteint une ampleur telle qu’un changement brutal de l’environnement global ne peut plus être exclu (cf. Rockström et al., 2009). Ils ont défini neuf limites planétaires dont le dépassement de l’un ou plusieurs serait délétère voire catastrophique car peut provoquer des changements environnementaux brusques et non linéaires au sein de systèmes d’échelle continentale à planétaire. Selon le Centre de Résilience de Stockholm, six de ces neuf limites planétaires ont été d’ores et déjà dépassées à ce jour : celle relative au changement des usages des sols, celle touchant à l’intégrité de la biodiversité, celle de la perturbation des cycles du phosphore et de l’azote, celle du changement climatique, celle relative à la pollution chimique et particulièrement par les matières plastiques, et celle relative au cycle de l’eau douce[11].

Les travaux du Centre de Résilience de Stockholm sur le franchissement des limites planétaires confirment d’une certaine manière les conclusions de l’étude de Meadows et al. (1972) selon laquelle il y aurait une possibilité d’effondrement des activités économiques courant le siècle actuel si on continuait dans un scénario « business-as-usual »[12]. Dans les stress tests climatiques de l’ACPR et de la BCE[13], le scénario « business-as-usual » correspond à celui d’« un monde plus chaud » de NGFS[14], qui se traduit par un important risque physique à moyen et long-terme, avec notamment une augmentation de la fréquence et de la sévérité d’événements climatiques extrêmes.

La 2ième partie du 6ième rapport du GIEC[15] attire l’attention sur le fait que si le réchauffement climatique dépasse les +1.5°C comparé au niveau préindustriel, il y aurait un risque élevé, voire très élevé, d’avoir un stress thermique humain avec une mortalité et morbidité accrues, une perturbation des écosystèmes marins et terrestres, une perte de la production agricole, une pénurie dans les régions de l’Europe du Sud et de l’Europe Centrale, des inondations fluviales et pluviales, des inondations côtières ainsi qu’un risque pour les infrastructures.

En se basant sur ces différents résultats, la détermination de critères d’évaluation spécifiques pour les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, peut ne pas suffire pour assurer la durabilité des écosystèmes ainsi que le fonctionnement de l’humanité en toute sécurité. Premièrement, toute activité humaine a un impact sur l’environnement. Une activité, par exemple, qui permet d’atténuer le changement climatique, est rarement sans aucun impact sur ce dernier et sur les écosystèmes (notamment sur les espaces naturels et la biodiversité). Deuxièmement, lorsque des technologies permettent de réduire la production des gaz à effets de serre à utilisation égale, à utilisation croissante, ce n’est plus forcément le cas. Troisièmement, bien que l’utilisation des énergies « propres » permet de réduire les émissions de gaz à effets de serre, la production, l’acheminement et l’utilisation des matériaux nécessite des énergies carbonées, ce qui, comme on le sait, contribue au changement climatique. De plus, la capacité limitée de production de ces énergies (compte tenu des niveaux actuels de production et de consommation mondiales)[16] et de recyclage des matériaux devraient aussi être pris en considération. 

Tel que détaillé dans le chapitre 5 de la troisième partie du 6e rapport d’évaluation du GIEC, publié en avril 2022, les actions pour atténuer le changement climatique et les dégradations environnementales devraient également se concentrer sur une plus grande sobriété de nos économies. Des solutions consistant à une diminution de la demande et donc de la consommation devraient être envisagées et accompagnées par le législateur. Dans ce même cadre, le législateur devrait s’intéresser de plus près du lien entre la consommation et le bien-être humain et considérer le fait qu’une augmentation de la consommation, et donc de la croissance économique, ne se traduit pas automatiquement par une augmentation du bien-être (cf. Nordhaus et Tobin (1973), Jackson (2010), Lachaize et Morel (2013), Creutzing et al. (2022)).

Ainsi, le législateur européen devrait pas seulement privilégier des modes de consommation et de production moins énergivores ou qui se basent sur des énergies « propres » et des solutions technologiques, mais aussi « dissuader » la production ou l’importation de certains biens et services non-essentiels et dont l’existence ne s’accompagne pas par une augmentation significative du bien-être alors que leur impact environnemental est important. La « dissuasion » pourrait se faire en imposant, pour chaque type d’activité, une évaluation et la publication de l’impact sur le bien-être (ou sur l’utilité collective), en plus de l’impact environnemental. Cela inciterait le désinvestissement lorsque l’impact environnemental par rapport au bien-être procuré d’une activité est élevé, et une baisse de la demande (par le biais des prix) lorsqu’une telle activité fait également l’objet d’une taxation plus importante.  

Ce type de solution qui cible la demande nécessite, bien évidemment, un certain nombre de travaux et d’études multidisciplinaires qui permettraient d’identifier les types d’activités, de biens ou de services qui permettent un réel gain de bien-être de la population et ceux qui n’ont pas de réel effet bénéfique, voire qu’ont un effet négatif sur les consommateurs (notamment sur leur santé physique et mentale)[17]. Mais il permet d’ouvrir des perspectives nouvelles, notamment vers la sobriété, en privilégiant les objectifs du bien-être et de la durabilité en premier lieu. Ainsi, même si certaines activités se verraient décroître, voire disparaître à terme, la sobriété devrait être considérée comme globalement bénéfique car est l’un des seuls moyens qui permettent un système économique soutenable et des conditions de vie décentes dans le long-terme.

Enfin, compte tenu de l’urgence climatique et des importantes dégradations environnementales observées depuis les cinq dernières décennies, mais aussi de la baisse des ressources naturelles et de la difficulté accrue d’approvisionnement en matières premières, il serait très raisonnable de privilégier la soutenabilité plutôt que la rentabilité et la croissance économique de court et moyen terme afin d’éviter des chocs physiques importants dans les  années à venir qui pourraient fortement perturber les conditions de vie sur terre. Dans ce même contexte, et en se basant sur les travaux de Meadows (1972), Nordhaus et Tobin (1973), Jackson (2010), Lachaize et Morel (2013), Creutzing et al. (2022), plutôt que de continuer à considérer la croissance du produit intérieur brut (PIB) comme la variable macro-économique phare, il serait raisonnable de privilégier la part de cette croissance qu’est nécessaire pour avoir un niveau élevé du bien-être et un système économique soutenable tout en minimisant l’impact climatique et environnemental.

 

 

Conclusion

Les modèles économiques productivistes des cinq dernières décennies consistant à une baisse des coûts unitaires et augmentation de la production, ont permis une certaine prospérité dans les pays développés mais posent aujourd’hui un certain nombre de problèmes sur le plan environnemental. En effet, la consommation et la production croissantes exercent une pression considérable sur le climat et l’environnement. C’est pour cela que les textes réglementaires, en plus des mesures ciblant les technologies de l’offre, devraient inclure également des mesures ciblant la demande, qui vont notamment dans le sens de la sobriété mais sans diminuant pour autant le niveau de bien-être de la population. Cela demande des études multidisciplinaires qui permettraient d’évaluer l’impact de chaque activité, bien ou service, sur le bien-être ou l’utilité collective. Ainsi, toute activité, ou production de bien ou de service qui aurait un impact environnemental élevé mais dont le bien-être qu’elle procure est évalué faible, voire négatif sur le long-terme, devrait faire l’objet de publication spécifique pour inciter le désinvestissement, voire d’une taxation plus importante par les autorités. Cette réflexion, demande également une révision des pensées économiques traditionnelles qui mettent en avant la hausse de la production et de la croissance économique. En effet, compte tenu de l’urgence climatique et des importantes dégradations environnementales observées (franchissement des six sur les neuf limites planétaires), il faudrait prioriser la partie de la croissance économique qui permet un réel gain de bien-être et avec le moindre impact environnemental afin d’avoir une économie résiliente et soutenable ainsi que des conditions de vie décentes pour l’ensemble des populations humaines et autres espèces vivantes.

 

 

Références

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ALLEMAND N., (2021). « Climat : la BCE est-elle vraiment stressée ? (Note), BSI Economics ;

DHIMA J., (2021). « La réglementation bancaire à l’heure des risque environnementaux » (Note),BSI Economics

CREUTZIG F. et al. (2016). “Beyond Technology: Demand-Side Solutions for Climate Change Mitigation”, Annual Reviews of Environment and Resources, Vol. 41:173-198

CREUTZIG F. et al. (2022). “Demand-side solutions to climate change mitigation consistent with high levels of well-being”, Nature Climate Change, 12, 36-46 (2022) https://doi.org/10.1038/s41558-021-01219-y

Directive NFRD (Directive 2014/95/UE du Parlement Européen et du Conseil du 22 octobre 2014) ;

EBA Consultation paper on draft ITS on Pillar 3 disclosures on ESG risks (EBA/CP/2021/06);

EBA Final Draft implementing technical standards on prudential disclosures on ESG risks in accordance with Article 449a CRR (EBA/ITS/2022/01);

EBA Guidelines on loan origination and monitoring (EBA/GL/2020/06);

EBA Guidelines on institutions’ stress testing (EBA/GL/2018/04);

EBA (2020), Mapping climate risk: Main findings from the EU-wide pilot exercise;

EBA Report on management and supervision of ESG risks for credit institutions and investment firms (EBA/REP/2021/18);

ECB Guide on climate-related and environmental risks, Supervisory expectations relating to risk management and disclosure;

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NORDHAUS W. D. and TOBIN J., (1973). “Is Growth obsolete?”, National Bureau of Economic Research

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SCHWARTZ B. (2004). “The paradox of Choice – Why more is Less”, Harper Perennial

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Taxonomy Climate Delegated Act (COMMISSION DELEGATED REGULATION (EU) …/… of 4.6.2021 supplementing Regulation (EU) 2020/852 of the European Parliament and of the Council by establishing the technical screening criteria for determining the conditions under which an economic activity qualifies as contributing substantially to climate change mitigation or climate change adaptation and for determining whether that economic activity causes no significant harm to any of the other environmental objectives).

Sites web:

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https://www.stockholmresilience.org/research/research-news/2022-01-18-safe-planetary-boundary-for-pollutants-including-plastics-exceeded-say-researchers.html

https://www.stockholmresilience.org/research/research-news/2022-04-26-freshwater-boundary-exceeds-safe-limits.html

 


[1] Environnemental, social et de gouvernance

[2] L’accord de Paris vise à maintenir l’augmentation de la température moyenne de la planète en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence de limiter l’augmentation à 1,5 °C.

[4] Il s’agit des objectifs environnementaux énumérés dans l’article 9 du règlement sur la Taxonomie des activités économiques durables (Règlement (UE) 2020/852 du Parlement Européen et du Conseil du 18 juin 2020).

[5] Pour les activités directement émettrices de gaz à effet de serre et dont la transition permet une contribution substantielle à l’atténuation du changement climatique, pour celles d’ores et déjà alignées sur des objectifs de neutralité carbone, et pour celles ayant un caractère habilitant quant à la transition d’autres activités.

[6]Le Pilier III correspond à la communication financière des banques à destination du marché. Plus concrètement, depuis 2009, les banques ont l’obligation de publier des informations quantitatives et qualitatives relatives à leur activité, à l’évaluation et le suivi de leurs risques ainsi qu’aux ratios réglementaires et à la composition de leurs fonds propres réglementaires. Ces informations sont publiées une fois par an et sont disponibles sur internet.

[7] Ou, s’agissant de celles actuellement fortement émettrices et pour lesquelles des critères de durabilité sont détaillés par la Taxonomie, d’avoir recours à des procédés et processus industriels plus efficient sur le plan énergétique, par exemple.

[8] Normes techniques d’exécution.

[9] L’Autorité bancaire européenne.

[10] Selon cette directive, les grandes entreprises qui sont des entités d’intérêt public dépassant, à la date de clôture de leur bilan, le nombre moyen de 500 salariés sur l’exercice doivent inclure dans le rapport de gestion une déclaration non financière comprenant entre autres les incidences de leur activité, au moins sur les questions environnementales, sociales et de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption. 

[12] Les conclusions de cette étude étaient les suivantes : « 1) Si les tendances actuelles de croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources restent inchangées, les limites de la croissance sur cette planète seront atteintes au cours des cent prochaines années. Le résultat le plus probable sera un déclin plutôt soudain et incontrôlable de la population et de la capacité industrielle. 2) Il est possible de modifier ces tendances de croissance et d’établir une condition de stabilité écologique et économique durable dans un avenir lointain. L’état d’équilibre global pourrait être conçu de manière à ce que les besoins matériels de base de chaque personne sur terre soient satisfaits et que chaque personne ait une chance égale de réaliser son potentiel humain individuel. 3) Si les peuples du monde décident de lutter pour ce deuxième résultat plutôt que pour le premier, plus tôt ils commenceront à travailler pour l’atteindre, plus grandes seront leurs chances de succès. »

[13] Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (en France) (ACPR) et Banque Centrale Européenne (BCE).

[14] Le « pire » des scénarios du NGFS (le réseau des banques centrales pour le verdissement de la finance).

[15]Groupe Intergouvernemental des experts sur le climat.

[17] Lachaize et Morel (2013) font référence à l’ouvrage de Schwartz (2004) pour affirmer que le processus de consommation entraine de nombreuses frustrations qui s’accentuent lorsque les choix se multiplient, et qu’une situation de frustrations répétées amène à une dépendance de chacun envers la consommation sans développer un véritable sentiment de bien-être supplémentaire.

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