Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Arabie Saoudite : vers une diversification profonde du modèle (Note)

 

 

Utilité de l’article : Cet article met en lumière la volonté d’un pays dont l’économie s’est construite autour des hydrocarbures, de sortir de cette dépendance en opérant une diversification accélérée de son économie.

Résumé :

  • L’économie saoudienne repose essentiellement sur l’industrie pétrolière (35 % du PIB) ;
  • Le plan Vision 2030 lancé par l’actuel Prince héritier a pour objectif de diversifier l’économie et les sources de revenus ;
  • Les énergies renouvelables, le tourisme et les nouvelles technologies sont les principaux secteurs d’avenir du Royaume et trois mégaprojets incarnent cette transition vers un nouveau modèle (la ville futuriste NEOM, tourisme de luxe dans la Mer Rouge et le parc d’attraction Qiddiya) ;
  • L’Arabie Saoudite diversifie ses sources de financement à travers le Fonds Public d’Investissement (PIF), l’endettement, les acteurs privés nationaux et internationaux.

Le suivi du prix du baril de brent permet de jauger facilement la situation économique de l’Arabie Saoudite. L’industrie des hydrocarbures représentait près de 75 % des recettes publiques, 80 % des exportations et 35 % du PIB en 2019. Les trois derniers chocs sur le cours du baril (crise de 2008, surproduction à partir de 2015, crise du Covid-19 en 2020) ont instantanément fait basculer le PIB en zone négative. Les effets se font aussi ressentir sur les finances publiques (-16 et -17 de déficit public en % du PIB 2015 et 2016 respectivement) et sur les comptes extérieurs (déficit du compte courant à -9 % du PIB et -4 % sur les mêmes années).

 

Source : WEO, BP statistics

 

C’est pour répondre à cette problématique de dépendance à l’or noir qu’en 2016 l’Arabie Saoudite, sous l’impulsion de l’actuel Prince héritier Mohammed Ben Salmane, a lancé un programme de modernisation de son économie avec la présentation du Plan Vision 2030. L’ambition de ce programme est grande, puisqu’il vise un doublement du PIB de 2016 et un niveau de recettes publiques issues des nouveaux secteurs investis plus élevé que celui de l’industrie pétrolière. Le programme repose sur une diversification accélérée de l’économie avec un recours massif au secteur privé et aux investisseurs étrangers.

L’enjeu est grand pour l’Arabie Saoudite et la mise en œuvre du Plan Vision 2030 est autant économique que sociale. L’imposante jeunesse du pays (plus de 60 % de la population a moins de 30 ans) est la frange de la population qui connait massivement le chômage : près de 29 % chez les jeunes à la fin du premier semestre 2021 contre une moyenne de 12 % pour les personnes de nationalité saoudienne (toutes nationalités confondues, le taux de chômage global est de 5,7 %). Il vise aussi répondre à l’envie d’émancipation des femmes et plus globalement à maintenir les niveaux de vie.

 

1. Les projets du Plan Vision 2030

  1. Les secteurs d’avenir visés dans le Plan Vision 2030

Un pari ambitieux sur les énergies renouvelables. Symbole de son processus de diversification et de réduction de sa dépendance aux hydrocarbures, l’Arabie Saoudite prévoit un large plan d’investissement dans le secteur des énergies renouvelables. Début 2017, les autorités saoudiennes ont lancé le Programme national d’énergies renouvelables. Intégré dans le Plan Vision 2030, il prévoit de développer une capacité d’énergies renouvelables de 58,7 Giga watts, soit le tiers du mix électrique du pays, contre une production encore proche de 0 en 2017. Cette capacité de développement d’énergies renouvelables devrait se substituer aux sources d’énergies carbonées, notamment le pétrole dont l’objectif est de le réserver à l’export. Le programme prévoit, en outre, la fermeture des centrales au fioul qui représentent aujourd’hui 40 % de la production d’électricité.

Depuis son lancement, d’importants appels d’offre ont été formulés : 600 MW à Al-Faisaliah (photovoltaïque) 400 MW à Dumat Al Jandal (éolienne), 300 MW à Sakaka (photovoltaïque), etc. En outre, le méga projet NEOM fonctionnera avec un système énergétique de source 100 % renouvelable. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite a déclaré viser la neutralité carbone d’ici 2060.

Le secteur du tourisme s’invite dans le plan de croissance saoudien. C’est un véritable changement de mœurs que souhaite opérer l’Arabie Saoudite, un des seuls pays du monde à ne pas fournir de visa touristique (excepté faite des pèlerinages). Mais depuis septembre 2019, l’Arabie Saoudite a autorisé la délivrance de visas touristiques. Ce ne sont pas moins de 400 000 visas qui ont été délivrés jusqu’à la fermeture des frontières en mars 2020 pour cause de Covid. Afin de booster le secteur et assurer un suivi régulier sur celui-ci, un ministère du Tourisme a été spécialement créé début 2020. Le projet phare du secteur est porté est le projet « Red sea » qui a pour ambition d’aménager des îles au large de la côte pour accueillir du tourisme haute gamme. C’est pour mener à bien ce projet qu’en 2018 la société The Red Sea Development Company a été créée. Selon cette même société, ce sont près de 580 millions USD de contrats qui auraient été attribués depuis sa création, principalement pour des infrastructures routières (routes, aéroports, ponts). A termes, le secteur devrait représenter 10 % du PIB d’ici 2030 (80 Mds USD) contre actuellement 3 %.

Un soutien important au secteur industriel. Riyad souhaite créer des champions nationaux dans l’industrie, secteur qui repose quasi exclusivement sur l’industrie pétrolière avec Aramco (3ème producteur et 1er exportateur de pétrole) et Sabic (géant saoudien de pétrochimie). En 2019, le Royaume a lancé le Programme national de développement industriel et de logistique (NPDIL). La diversification étant le leitmotiv, le NPDIL vise plus de 453 milliards USD d’investissements dans des secteurs comme les mines et la logistique. Afin de garantir un environnement propice au développement du secteur, l’objectif global est de créer des zones économiques spéciales à travers le pays, permettant de contrôler une filière de l’amont à l’aval. Le programme prévoit ainsi d’importants investissements dans des infrastructures de transports, visant à créer des hubs logistiques connectés entre eux. Il prévoit aussi une restructuration du secteur minier et pétrochimique afin de garantir une production locale et permettre l’exportation. D’autres investissements sont prévus, comme dans la pharmaceutique afin d’augmenter la part de production locale ou encore dans l’efficience énergétique.  

Développement des nouvelles technologies. L’innovation et l’entrepreneuriat prendraient une place à part entière dans la Vision 2030 de l’Arabie Saoudite. Le Fonds Public d’Investissement (PIF) a prévu de massivement investir dans les nouvelles technologies, tant dans le cadre des méga projets que dans d’autres projets nationaux. Afin de promouvoir et de protéger l’innovation locale, le Royaume a mis en place en mars 2017 l’Autorité saoudienne de la propriété intellectuelle (SIPA) qui vise à protéger et réglementer les droits de propriétés intellectuels dans le royaume. L’objectif est aussi de répondre à la volonté de transformation numérique d’entités publiques et privées. C’est pour répondre à ce besoin que la Saudi information technology company (SITE) a été créée en 2017. Elle fournit des services cyber et digitaux à organisations nationales (publiques et privés). Depuis sa création, elle aurait contribué à la transformation numérique de plus de 200 d’entre elles (selon le PIF). Sur le plan de la modernisation des marchés financiers, un Centre de fintech a été créé en 2019 entre l’Agence monétaire d’Arabie Saoudite et l’Autorité des marchés de capitaux. Il a attribué 31 licences depuis sa création et se focalise sur le développement des technologies de paiement et le financement participatif. Le Royaume a profité de l’organisation de la 5ème édition du Future Investment Initiative pour illustrer sa volonté de devenir un pôle d’attractivité et d’innovation.

 

  1. Les « méga projets » qui symbolisent le souhait de diversification du Royaume

Dans la Vision 2030 de l’Arabie Saoudite, on peut citer trois « mégaprojets » qui incarnent le projet de diversification du Royaume :

La cité futuriste NEOM. C’est un projet de création de ville futuriste, basée sur les nouvelles technologies. Dotée un réseau ultra haut débit sans fil, la ville sera connectée, fonctionnera avec un système énergétique 100 % renouvelable et sera dépourvue de voiture. Située au Nord-Ouest du pays (frontière égyptienne et jordanienne), la ville fera 26 500km² et nécessitera près de 500 Mds USD d’investissements d’ici 2030. La cité futuriste se voudra être un laboratoire vivant, propice à l’entrepreneuriat et aux innovations. La ville a son aéroport depuis 2019 et le siège de la société en charge du projet (détenue à 100 % par le PIF) a déplacé son siège de la Capitale à Neom. En juillet 2020, un contrat de 5 milliards USD a été signé avec une compagnie américaine pour la production d’ammoniac vert à base d’hydrogène. L’usine de production sera elle-même alimentée par des sources d’énergies renouvelables.

Tourisme de luxe dans la Red sea. Le projet Red Sea est un projet qui vise le tourisme international de haute gamme. Il prévoit l’aménagement d’un archipel de 90 îles et se base sur un écosystème (zéros déchets, 100% renouvelables). Il espère attirer un million de touristes par an. Le projet se présente comme le plus avancé en termes de montants des contrats attribués (580 MUSD).

La cité des loisirs Qiddiya. Parc d’attractions d’exception de 334km2 au sud de la capitale du Royaume, Ryad. Contrairement au projet Red Sea, ce projet de divertissement vise à promouvoir le tourisme local. La population est majoritairement jeune et le pays n’offre que peu d’activité de divertissement et de loisirs. Ce projet s’inscrit dans la volonté globale du Royaume de promouvoir la culture, les loisirs et le sport, autant d’élément qui composera Qiddiya. Le parc sera accessible via une ligne de métro spécialement prévue à cet effet.

 

2. Le nerf de la guerre : la diversification des sources de financement de l’économie

  1. Le Fonds Public d’Investissement

Le financement des projets nationaux liés au Plan Vision 2030, se fait essentiellement à travers le fonds souverain, le Fonds Public d’Investissement (PIF). Créé en 1971, il finançait jusqu’alors des projets liés à l’industrie pétrolière exclusivement. En mars 2015, le PIF a connu un renouveau lorsqu’il a été mis sous la supervision du nouveau Conseil des affaires économiques et du développement, sous l’autorité directe de l’actuel prince héritier. Il incarne désormais le bras financier du Plan Vision 2030. Chacune des nouvelles sociétés créées pour la mise en œuvre des projets nationaux (en premier lieu desquels les « mégaprojets »), le PIF est détenteur de 100 % de leur capital. Dans son premier plan stratégique 2018-2020, il a fondé plus de 30 compagnies dans 10 secteurs stratégiques en ligne avec le Plan Vision 2030. Le plan stratégique du PIF 2021-2025 n’est pas moins ambitieux puisqu’il prévoit d’investir 40 milliards de dollars tous les ans dans des projets nationaux.

Depuis 2015 et sa réorientation, le fonds a multiplié ses stratégies d’investissement internationaux dans des secteurs diversifiés qui le sort de son focus sur le secteur pétrolier. Le PIF a investi dans de nombreux groupes internationaux, à l’image d’Uber, groupe dans lequel il a acquis 5% du capital (3,5 milliards USD) en juillet 2015 ou encore l’entreprise coréenne Posco, 4ème producteur mondial d’acier avec 1,1 milliard USD. En ligne avec sa volonté d’investir dans le secteur des nouvelles technologies, le PIF a acquis, dans le cadre de son programme d’investissement 2018-2020, 5% de l’entreprise Tesla (2 milliards USD) et apporté près de 45 milliards USD pour la création d’un fonds technologiques géré par le champion japonais de télécommunication Softbank. Enfin, exemple de la volonté des saoudiens de sortir du tout pétrole, le PIF a investi 1 milliard USD pour devenir le premier actionnaire de l’entreprise américaine de voiture électrique Lucid Motor. Les exemples sont nombreux et la liste n’est pas exhaustive.

A fin 2020 le montant des actifs géré par le PIF était estimé à 360 milliards USD contre 150 milliards USD en 2015. Le PIF fait désormais partie des 10 premiers fonds souverains en termes d’actifs. Les investissements se poursuivent et se diversifient, comme la très récente acquisition du club de football anglais Newcastle. L’objectif affiché est d’atteindre 2 000 Mds USD d’actifs d’ici 2030. Selon le PIF, le retour sur investissement est de 8 % sur la période 2018-2020, contre 3 % entre 2014 et 2016.

Le fonds bénéficie des recettes générées via la cession d’actifs publics. En 2017, les autorités saoudiennes ont fondé le Centre National de la Privatisation et des Partenariats Publics Privés. Il a principalement pour but d’établir une liste exhaustive des projets de privatisations des entreprises publiques et de les encadrer. Les recettes de privatisation peuvent être très élevées : le transfert du produit de l’introduction en bourse de 1,7 % de la compagnie pétrolière nationale ARAMCO, soit 29,4 milliards d’euros est directement allé dans les caisses du PIF. Un certain nombre de privatisation sont prévues, principalement dans des secteurs stratégiques tels que l’énergie, l’eau ou l’électricité, comme la privatisation récente d’Acwa Power (groupe d’électricité saoudien) avec une levée de 1,2 Md USD. Les processus de privatisations en cours et à venir devraient permettre d’abonder massivement le fonds et de poursuivre le financement des projets Vision 2030.

Toutefois, des incertitudes demeurent quant à la capacité du régime à aboutir l’ensemble des processus de privatisations. Le royaume a récemment suspendu la privatisation de la plus grande usine de dessalement et de production d’électricité, officiellement du fait de la pandémie qui aurait empêché les soumissionnaires de proposer leurs offres. La prudence des agents économiques sur la privatisation des entreprises saoudiennes peut aussi trouver sa source dans le peu de transparence de certaine d’entre elles. Par exemple, malgré l’importance des recettes générées par la privatisation d’Aramco, elles avaient pour ambition d’être bien plus élevées. Ce sont à l’origine 5 % du capital qui devaient être ouvert dans l’entreprise, valorisée initialement à 2 000 milliards USD pour finalement tomber à 1 700 milliards USD. Plus généralement, l’instabilité régionale, la perte d’attractivité du pétrole ou la réputation du pays depuis l’affaire Khashoggi, sont des facteurs qui risquent de rendre décevantes les recettes générées par le processus de privatisation.

  1. Une refonte des dépenses et des recettes publiques

Restructuration des finances publiques depuis la chute des cours en 2015. Face à la chute des revenus pétroliers qui représentaient 73 % des recettes publiques en 2015, l’Arabie Saoudite a entamé une restructuration de ses finances publiques. Les recettes hors hydrocarbures ont presque triplé entre 2014 et 2020, passant de 4,6 % du PIB (131 Mds Rials saoudiens) à 13,9 % du PIB (366 Mds Rials saoudiens) sur la période. Fin2015, le gouvernement a entamé une réduction drastique des subventions à l’énergie, via une hausse des prix, notamment sur l’essence et l’électricité. Les subventions sur ces produits, qui se traduisent par une hausse des prix de l’énergie et de l’électricité, ont depuis diminué de moitié, permettant de gonfler les recettes publiques. En 2018, une TVA a été introduite à hauteur de 5 % et son niveau a triplé en 2020 pour atteindre 15 %. Sur le plan des dépenses publiques, les autorités saoudiennes ont cherché à préserver leur modèle de dépenses sociales tout en opérant une rationalisation de certaines dépenses depuis 2015. Les dépenses publiques totales sont passées de de 40,2% du PIB à 33,3%. Elles ont réaugmenté depuis (notamment pour financer les projets du programme Vision 2030) mais n’ont toujours pas atteint le niveau d’avant 2015, et représentent encore aujourd’hui moins de 30 % du PIB. Ces efforts de consolidation des dépenses se sont faits par une réduction des dépenses « compressibles », à l’image de la suppression du Cost of living allowances (Cola, allocation versée aux fonctionnaires) en 2020 ou de l’augmentation des droits de douanes par exemple. Cela a permis en outre de se concentrer sur une hausse de l’efficience des dépenses en capital. Les autorités prévoient de poursuivre les réformes sur les prix de l’énergie et vise un équilibre du budget d’ici 2023.

L’Arabie Saoudite bénéficie d’un niveau d’endettement faible, ce qui laisse des largesses au pays pour le financement du plan Vision 2030. Le niveau de la dette publique saoudienne était de 32,5 % du PIB en 2020. Elle est dynamique puisqu’elle n’était que de 13,1 % du PIB en 2016 mais demeure à des niveaux très convenables. De plus, le pays a la confiance des investisseurs puisque les taux d’intérêts sont globalement faibles, voir négatifs comme ça a été le cas sur l’émission de dette à 3 ans opérée en début d’année. Depuis 2016, le Royaume a adopté un programme d’émissions de dette en devises. Au total, ce sont près de 52 Mds USD qui ont été émis entre 2017 et 2020.

  1. Un recours massif au secteur privé et aux investisseurs internationaux 

Le recours au secteur privé est une condition pour atteindre les objectifs de diversification. Le secteur privé est destiné à être le moteur de la diversification. Sa part dans le PIB a pour objectif d’atteindre 65 % du PIB, contre actuellement 40 %. En mars 2021, la loi sur la participation du secteur privé a été adoptée et vient renforcer le cadre légal des privatisations et des partenariat publics privés. Elle offre une protection des investisseurs étrangers et exempt les privatisations des quotas de travailleurs nationaux. Par ailleurs, la part de la population active privée représentait seulement 32 % au moment du lancement du Plan Vision 2030. L’objectif affiché de ce dernier est d’atteindre une part s’élevant à plus de 60 %.

La préférence nationale pour l’emploi privé risque néanmoins d’être un frein majeur pour le développement du secteur privé. Le Royaume affiche la volonté de « nationaliser » l’emploi privé du pays (le programme est appelé Nitaqat), composé aux trois quarts par de la main d’œuvre étrangère. Cette volonté provient notamment du fait que le chômage est structurellement élevé au sein de la population saoudienne, notamment parmi les jeunes et les femmes (avec un taux de chômage de plus de 30 %). Les autorités saoudiennes ont adopté une taxe sur les travailleurs étrangers en 2018 et imposé des quotas de travailleurs saoudiens dans un certain nombre de secteur. Mais cette préférence nationale nécessite un niveau de qualification que l’on ne retrouve pas sur le marché du travail local. Dans de nombreux secteurs, notamment l’industrie, ce manque de compétences présente de sérieux freins. Par ailleurs, il existe d’importants écarts de salaires entre la main d’œuvre saoudienne et étrangère, ce qui a pour effet de renforcer le coût du travail et la compétitivité des entreprises. Les autorités saoudiennes doivent donc jongler entre le niveau élevé du chômage des jeunes saoudiens et le souhait de développement du secteur privé pour atteindre les objectifs du Plan Vision 2030.

Les autorités saoudiennes développent les marchés financiers domestiques pour diversifier les sources de financement. Afin d’attirer les acteurs économiques internationaux et de développer le secteur privé domestique, le Royaume a libéralisé son marché financier. Les acteurs étrangers peuvent désormais avoir des participations via la Bourse de Riyad, Tadawul. Malgré les limites encore existantes aux investisseurs étrangers (en termes de montants, de secteurs ou de lieux), la part des participations étrangères est passée à 8 % depuis l’ouverture, puis 12 % mi-2021. Fin 2017, avec la mise sur le marché boursier de 1,7 % du capital d’ARAMCO (introduction en bourse la plus importante enregistrée à l’échelle mondiale), Tadawul est devenue la 9ème place boursière mondiale. Cela a pour effet de stimuler le marché domestique. Selon le MENA Venture investment Report 2021, l’Arabie Saoudite a levé près de 170 millions USD de capital risque au premier trimestre de l’année 2021 (contre 180 Mls USD pour l’ensemble de l’année 2020 et 30 Mls USD en 2016.

Le climat des affaires s’améliore mais présente encore des rigidités pour accompagner le changement économique souhaité. Le Royaume a travaillé sur son attractivité ces dernières années. Cela se traduit par une amélioration conséquente de son classement sur certains indicateurs d’environnement des affaires. Sur l’indicateur Ease of Doing Business du classement Doing Business (Banque Mondiale), l’Arabie Saoudite est passée de la 92ème place en 2018 à la 38ème en 2020. Selon l’indicateur de compétitivité du World Economic Forum l’Arabie Saoudite est passée de la 66ème place en 2010 à la 36ème en 2020. L’Arabie Saoudite a ouvert la possibilité sur certains secteurs (vente de détails et de gros par exemple) de détenir 100 % du capital d’une entreprise en tant qu’étranger. Afin d’atteindre son objectif d’un niveau d’investissements directs étrangers de 5,7 % du PIB (contre moins de 2 % aujourd’hui), l’Arabie Saoudite prévoit la création de zones économiques spéciales dans certains secteurs clés tels que le tourisme. Le pays prévoit aussi de réduire certaines taxes pour les investisseurs, simplifier les délivrances de licence de commerce, etc. Le Royaume a accueilli la 5ème édition du Future Investment Initiative, une occasion de plus pour montrer aux acteurs internationaux sa volonté de renforcer son attractivité.

Il y a encore une marge importante de progrès pour que le climat des affaires soit propice à l’attraction des investisseurs étrangers. Malgré les efforts entamés, les procédures sont encore nombreuses et un peu « floues » pour un acteur étranger qui souhaiterait créer son entreprise ou prendre des parts majoritaires dans une entreprise. Les mesures prises pour promouvoir l’emploi local risque d’aller à contresens de l’attractivité du pays aux acteurs internationaux tandis que la fiscalité reste complexe, menant à des situations de double imposition ou de sur-fiscalité non remboursées. En outre, le poids important du secteur public implique une lourdeur administrative pouvant mener à des délais de paiements particulièrement longs et des arriérés de l’Etat qui s’accumulent. Globalement, l’Arabie Saoudite pâtie de la guerre qu’elle mène au Yémen, de l’Affaire Khashoggi et de sa violente campagne anti-corruption. Ces facteurs risquent de rendre les investisseurs encore frileux, constituant un potentiel frein à ses ambitions de diversification économique.  

 

Conclusion 

La volatilité des prix du pétrole a définitivement convaincu les autorités saoudiennes à s’engager dans un changement de son modèle économique. Depuis le lancement du Plan Vision 2030, de nombreux obstacles se sont mis en travers de son exécution : faiblesse du prix du baril, tensions géopolitiques (guerre au Yémen, tensions avec le Qatar et l’Iran, affaire Khashoggi), et le Covid-19 qui frappe encore l’économie saoudienne aujourd’hui. Mais ces facteurs n’ont pas arrêté les ambitions du Prince qui entend bien mener à bien l’ensemble des projets.

 

 

L'auteur

Plus d’analyses