Jean-Paul Betbèze est directeur de Betbèze Conseil SAS, membre de la Commission Economique de la Nation (France), du Cercle des économistes et du Comité scientifique de la Fondation Robert Schumann. Il a également été Chef économiste, Directeur des Etudes Economiques et membre du Comité Exécutif de Crédit Agricole SA, Professeur d’Université (Agrégation, Paris Panthéon-Assas) et membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier ministre.
Jean-Paul Betbèze réagit pour BS Initiative sur les derniers événements économiques et financiers.
Le projet de réduction graduel des achats de bons du trésor de la FED porte-t-il un risque sur les actions prochaines de la BCE en termes de taux d’intérêt ?
D’abord, il faut savoir que la Fed n’a plus le choix : il faut qu’elle cesse d’intervenir sur les taux longs américains (de les manipuler ?), donc de faire baisser « un » des deux taux sans risque mondial. Cette hausse se répercute sur « l’autre » taux sans risque mondial : le taux allemand. Donc la BCE voit remonter toute la gamme de ses taux longs, à partir du minimum des taux allemands. Ceci pousse les pays à faire plus de réformes, à consolider l’union bancaire… En soi, ceci ne pousse pas la BCE à baisser ses taux courts, car le problème majeur est en fait celui du passage des taux courts BCE au taux de crédit des PME des pays du Sud, Italie et Espagne – qui ne baissent pas vraiment. Ceci passe donc par des réformes dans ces deux pays et par un assainissement bancaire renforcé. Le seul cas de figure où la BCE devrait baisser ses taux serait celui où la hausse des taux américains ferait plonger l’activité en zone euro. Mais, encore une fois, le problème majeur ne serait pas pour autant résolu : celui du crédit bancaire aux PME.
Vous indiquez dans un article récent que les investisseurs étrangers ont davantage confiance dans la zone euro que les européens eux-mêmes. Quel choc de confiance préconiseriez-vous à l’échelle européenne?
Un « choc de simplification » comme on dit ici, autrement dit un choc de responsabilité ! La zone euro est compliquée, de plus en plus compliquée même. Ses marges de manœuvre, son agilité, se réduisent – alors qu’il faut être plus simple et plus réactif par temps de crise ! Ensuite, il faut montrer que les décisions se mettent effectivement en place : semestre européen, surveillance bancaire ; union bancaire, autrement dit que la zone fait ce qu’elle dit. Depuis la zone euro, ce qui se passe n’est pas bien clair… alors, de plus loin…
Le taux d’intérêt à 10 ans de la France a connu une remontée spectaculaire en juin (de 1,7 à 2,4%) suite aux annonces de la FED. Cette hausse des taux est-elle de nature à déstabiliser le programme d’émission obligataire français pour 2013 et peut-elle contrarier la cible de déficit structurel du gouvernement français (3,7% du PIB en 2013)?
La remontée des taux France est d’origine américaine. La seule question est donc de savoir si se produit en France un élargissement du spread avec l’Allemagne : c’est décisif pour le cadrage des dépenses publiques. C’est bien pourquoi le Président Hollande ne parle plus de « réduction du ratio Déficit/PIB » mais bien de la « baisse de la dépense publique ». La zone euro le demande, les marchés aussi, et tout le monde (ou presque) en est convaincu en France. Les messages de la Cour des Comptes ouvrent la voie. C’est cette démarche, continue dans le temps, qui permettra de stabiliser les anticipations, tout à fait déstabilisées à l’heure actuelle.
Le chômage des jeunes reste très préoccupant en France à l’heure actuelle : 26,5% d’entre eux recherchent activement un emploi. Que pourrait faire la France pour permettre aux jeunes de trouver plus facilement un premier emploi ?
La première des choses à se dire est une vérité. Le SMIC étant le même pour tous, il est élevé pour un jeune peu ou pas formé, notamment dans cette période de crise où l’emploi est abondant. D’où ces formules d’apprentissage ou de subvention qui conduisent, sans le dire, à un « Smic jeune ». La deuxième des choses, précisément pour réduire l’écart de productivité, c’est de mieux former à l’emploi, de prévoir plus de passerelles, plus d’échanges entre la période de formation et celle d’emploi. Ceci veut dire, souvent, de revoir les formations, d’avoir des relations plus étroites avec les entreprises. Enfin, il y a des offres d’emploi qui ne trouvent pas preneur, dans l’artisanat ou les services à la personne notamment. Ses métiers doivent être mieux connus, mieux compris, autrement l’écart entre formations et demandes ne fera que croître. Le chômage des jeunes est une affaire de salaire, mais en partie, parce que c’est surtout une affaire de préparation, de connaissance, d’échange entre monde de l’école et monde de l’entreprise, monde du pré-travail et monde du travail. C’est au fond, la preuve que nous ne parlons pas assez du monde tel qu’il est et qu’il devient, que nous ne formons pas assez les jeunes. C’est eux qui payent notre faiblesse.
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