Résumé :
– Le développement de l’entrepreneuriat féminin est un potentiel encore très largement inexploité pour la croissance et la prospérité. En effet, les femmes entrepreneurs rencontrent des obstacles pour avoir accès au crédit ou à des réseaux liés au milieu des affaires.
– L’accès limité à une éducation de qualité nuit à l’intégration des femmes dans les secteurs des science, des technologies et de l’innovation, limitant ainsi leur potentiel de créer des projets innovants.
– La contribution des femmes aux activités productives est largement sous-évaluée et non reconnue. Il y a également un besoin pressant de faciliter la transition du secteur informel au secteur formel pour les femmes issues de milieux ruraux, qui ont une volonté de créer des entreprises dans certains domaines, principalement le développement durable.
Le rôle économique des femmes est essentiel pour la croissance et pour une répartition plus équitable de la richesse. Les possibilités et les opportunités économiques pour les femmes sont aujourd’hui beaucoup plus importantes que pour la précédente génération spécifiquement pour le monde en développement. Les femmes jouent désormais un rôle vital dans les affaires économiques en tant qu’entrepreneur et contribuent directement à la croissance économique.
En effet, l’intérêt mondial pour développer l’entrepreneuriat féminin et l’exploration des politiques de soutien à la participation des femmes au monde de l’entreprenariat ont récemment connu une floraison. De plus, le sous-développement de l’entrepreneuriat féminin représente un potentiel inexploité pour la croissance et la prospérité dans de nombreux pays. Grâce à des activités entrepreneuriales, les femmes créent des emplois, génèrent des revenus, participent au développement d’une autonomie économique et contribuent au développement durable.
Bien qu’il existe un besoin important de créer des conditions plus favorables pour le développement et le renforcement de l’entreprenariat féminin, des politiques mieux conçues et des mesures fortes, visant à accroître l’autonomisation des femmes, sont essentielles. Ainsi, il est important d’améliorer les points suivants : l’établissement d’un dialogue public-privé, l’amélioration de l’accès au crédit et aux services financiers pour l’entreprenariat féminin, la fourniture de meilleurs services publics pour l’amélioration d’un climat des affaires compétitives par genre quant à l’accès à l’information et aux marchés.
La place de la femme et la promotion du genre : des objectifs universels du Millénaire aux objectifs du développement durable
La communauté internationale et plus particulièrement les organisations internationales ont fait des progrès significatifs dans la promotion de l’autonomisation économique des femmes. Depuis l’adoption de la Déclaration de Beijing et du Programme d’action, il y a eu des progrès constants jusqu’à l’année 2014, incluant :
• La réduction des disparités entre les sexes dans la fréquentation de l’école primaire.En Asie du Sud, seulement 74 filles étaient inscrites à l’école primaire pour 100 garçons en 1990. En 2012, les taux de scolarisation étaient identiques pour les filles et les garçons.
• L’accès aux services de santé, sexuelle et reproductive.
• L’augmentation du nombre de femmes dans les parlements nationaux dans certaines régions. Dans 46 pays, les femmes occupent maintenant plus de 30% des sièges au parlement national dans au moins une chambre.
• L’augmentation de la participation des femmes sur le marché du travail. En effet, les femmes en Afrique du Nord détiennent moins d’un sur cinq emplois rémunérés dans le secteur non-agricole.
Dans de nombreux pays, l’inégalité en matière de genre persiste et les femmes continuent à être victimes de discrimination dans l’accès à l’éducation, au travail et aux biens publics, et au niveau de leur représentation au sein des gouvernements, selon les avancées du Rapport des objectifs du Millénaire pour le développement (2014). Actuellement, les discussions intergouvernementales sur les objectifs de développement durable offrent l’occasion de s’appuyer sur les enseignements tirés des Objectifs du Millénaire pour le développement. L’objectif 5 (sur le rôle des femmes) en cours de négociation vise les sous-objectifs suivants :
– promouvoir l’égalité pleine et effective des femmes, notamment pour le leadership à tous les niveaux de décisions dans la vie politique, économique et publique;
– Entreprendre des réformes pour donner aux femmes l’égalité des droits aux ressources économiques, ainsi que l’accès à la propriété, au contrôle foncier et à d’autres formes de propriété (services financiers, héritage, ressources naturelles) conformément aux lois nationales;
– Améliorer l’utilisation des nouvelles technologies.
En parallèle, la promotion de la femme a été inclue dans les impératifs d’autres objectifs de développement durable en cours de négociations tels que : la sécurité alimentaire, la pauvreté, l’agriculture durable, l’éducation, la gestion durable de l’eau et de l’assainissement, l’emploi productif et le travail décent, résilient et la promotion des villes durables ainsi que la lutte contre le changement climatique.
Globalement, la transition des objectifs du millénaire universels à des objectifs de développement durable oblige à prendre en compte l’autonomisation des femmes comme l’un des piliers essentielles dans l’agenda post-2015.
Les limites de l’entreprenariat de la femme dans l’autonomisation économique de la femme
L’entrepreneuriat chez les femmes est un axe majeur dans les stratégies de développement et dans la promotion du genre. Malheureusement, les femmes entrepreneurs dans les pays en développement ont souvent un accès très limité à des réseaux de marketing, de capital, de crédit et aux connaissances techniques, qui sont tous essentiels pour améliorer la compétitivité de leurs entreprises. À cet égard, les politiques visant spécifiquement à faciliter l’accès au crédit pour les petites entreprises, l’organisation d’associations d’exportateurs et la fourniture de formation technique sur les exigences de conformité aux marchés des exportations, sont tous susceptibles de faciliter la transition des petites et micro-entreprises vers un environnement de marché plus ouvert pour les femmes et les hommes aussi.
En outre, il y a un besoin de fournir aux femmes entrepreneurs des cycles de formation pour améliorer leurs compétences en gestion d’entreprise. Ainsi, la priorité pour les femmes entrepreneurs est de supprimer les obstacles à l’entrepreneuriat féminin, de promouvoir les services financiers inclusifs et d’être adaptées aux politiques commerciales. D’ailleurs certains constats avancent les limites de l’entreprenariat féminin :
• la faible mobilité des femmes.
• des obstacles juridiques et sociaux limitant le travail des femmes de manière générale.
• le manque de compétences, de diplômes, de formation exigés par le marché rétrécissent leurs possibilités d’autonomie économique.
• un tissu entrepreneurial féminin peu développé et surtout pour les femmes qui aspirent à créer et à gérer une entreprise selon le Rapport de la Banque mondiale (2013).
• un accès inégal aux opportunités entrepreneuriales par gendre en raison du manque de compétitivité de l’environnement des affaires. Cela est due à la présence de la corruption et les pratiques anticoncurrentielles; une lourdeur administrative suite à des procédures lourdes et coûteuses pour ouvrir une entreprise; le manque de soutien de la part de certains gouvernements en termes d’actions, d’initiatives, de nouvelles lois selon le Rapport Women Business and Law (Banque mondiale, 2012), etc.
En effet, le développement du secteur privé devrait soutenir les femmes entrepreneurs et les aider à éliminer les obstacles. Cependant, la plupart des femmes dans les pays à faible revenu et dans les pays en développement, ont des micros ou petites entreprises opérant principalement dans l’économie informelle. Elles sont presque invisibles dans les grandes et moyennes entreprises en raison de multiples obstacles évoqués précédemment. Toutefois, certains constats attestent que la femme est présente dans les institutions publiques et que leur potentiel en matière de leaderships peut se développer rapidement.
De plus, elles ne peuvent s’appuyer que sur l’épargne personnelle ou sur les contributions des parents et de la famille pour financer leurs entreprises, même si cette limite est également existante pour les entreprises masculines. Et sans propriété, elles n’ont pas la garantie d’accéder au crédit auprès des institutions financières. Elles sont également confrontées à des obstacles administratifs et au manque d’information limitant le développement des entreprises et entravant la transition du secteur informel vers l’économie formelle.
Ainsi, permettre aux femmes de réussir dans le développement des entreprises nécessite d’élaborer une stratégie d’implémentation et en même temps de faire face aux contraintes réglementaires. Un soutien continu est nécessaire pour procéder à la création de l’entreprise et à la fourniture de service de mentorat pour les femmes tout en favorisant la mise en place de mesures permettant d’offrir un environnement propice aux affaires et un système financier plus inclusif.
En outre, l’accès au crédit est important pour le démarrage et la croissance des entreprises. La taille et la durée des prêts dont les femmes ont besoin sont également des éléments importants. Même lorsque les prêts sont accessibles, ils sont souvent trop faibles pour fournir suffisamment de capital pour démarrer ou développer une activité. D’où la nécessité de trouver des solutions aux problèmes d’investissement dans le développement de produits et des prêts plus importants et à plus long terme.
Etude de cas et survol de l’état de l’autonomisation économique des femmes en Tunisie
La population féminine tunisienne en 2013 était de 5 431 418 de personnes, soit 49% de la population totale mais le pourcentage de la main-d’œuvre féminine active est seulement de 28%. L’indice d’écart en matière de genre en 2014 reflète le niveau élevé d’autonomisation économique féminine dans le pays. Le niveau de participation économique était de 0,627% en 2014 avec la 123è place selon le classement du World Economic Forum. Au Gender Gap Index le score de participation économique et d’accès aux opportunités est de l’ordre de 0,463 sur 1 pour la 130è place.
Une analyse des limites et forces des activités d’autonomisation des femmes en Tunisie permet de faire le constat suivant : les femmes opèrent largement en tant que leader, chercheur, entrepreneur et Change Maker dans la société tunisienne. Elles ont un niveau élevé en tant que leader dans les entreprises en raison du comportement socio-culturel et de la mentalité en Tunisie. Elles sont pour la plupart diplômées en raison de la bonne qualité des politiques de l’éducation dans le pays. L’intégration des femmes dans les domaines de la science, technologie et de l’innovation est favorable suite à un niveau élevé de femmes dans la équipes de R&D et nombreuses sont celles qui travaillent dans les laboratoires et centres de recherche.
La situation des femmes entrepreneuses en Tunisie a besoin de plus d’actions ciblées, de nouvelles règles et des stratégies plus appropriées. En effet, il est nécessaire de développer l’accès au crédit, à la propriété et aux autres services pour la création de PME ainsi que de faciliter la mise en œuvre d’un réseau pour le transfert de connaissances. La majorité des femmes ont un grand accès à l’information, fourni par l’institution de micro-finance en raison du renforcement de la formation. Toutefois, les femmes dans les milieux ruraux ont besoin de plus de programmes d’éducation financière et économique. La majorité des femmes entrepreneurs ont créé de PME familiales et généralement gèrent seules leurs entreprises.
Tableaux 1 et 2: Facteurs déterminant de la participation économique des femmes et la possibilité (Force-faiblesse) :
Source : The Global Gender Gap Report (2015)- Les données du sondage, les réponses sur une échelle de 1 à-7 (1 = mauvais score, 7 = meilleur score) ; Les données sur une échelle de 0 à 1 (1 = mauvais score, 0 = meilleur score)
Cependant, pour le cas de la Tunisie, certaines limites freinent le développement de l’autonomisation de la femme avec un niveau élevé de chômage des femmes dans le secteur non agricole qui est de 27,4%, dû à la diminution du développement de l’entreprenariat des femmes. En outre, il existe une nécessité pour accroitre « l’éducation économique et financière » pour les femmes par le renforcement des capacités quant à leur accès aux services bancaires. Un niveau supérieur d’éducation des femmes à l’université est nécessaire pour donner la chance aux femmes ingénieurs et chercheurs afin qu’elles puissent également créer des projets innovants. En outre, l’intégration de femmes dans la politique de la science, des technologies et de l’innovation est important et représente un enjeu majeur pour une nouvelle génération de femmes entrepreneurs et innovants. Malheureusement, l’accès des femmes aux terres et au crédit en raison du peu d’outils financiers mis à leur disposition limite leurs possibilités de sortir du secteur informel.
Ainsi, il y a un besoin urgent pour de nouvelles stratégies, la création d’une nouvelle agence féminine de promotion de l’entreprenariat, l’adaptation de l’institution publique aux nouveaux défis et la mise en œuvre de plus facilités d’accès aux financements et aux crédits et aux réseaux surtout dans les zones rurales. Il y a aussi un besoin pressant de réformes visant à offrir de nouvelles incitations et un cadre législatif approprié pour l’entrepreneuriat des femmes.
Conclusion
L’entreprenariat féminin est un élément clé pour le renforcement de l’autonomie économique de la femme et la promotion du genre dans les pays en développement et principalement la Tunisie. En effet, certaines limites persistantes sont handicapantes. Cependant, un tissu entrepreneurial féminin et performant pourrait émerger via un meilleur dialogue sur la promotion d’une politique du genre et sur la nécessité de promouvoir le rôle économique des femmes pour accélérer le développement économique.
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