Résumé :
- En 2024, 1 111 238 nouvelles entreprises ont été créées en France. Ce chiffre marque un nouveau sommet historique, témoignant du maintien d’un fort dynamisme entrepreneurial dans l’Hexagone.
- 64 % de ces nouvelles immatriculations sont des micro-entrepreneurs – dont près d’un tiers ne démarreraient aucune activité économique – tandis qu’une part non-négligeable correspond à des activités non-productives ou précaires.
- Malgré tout, une réelle volonté et culture entrepreneuriales sont présentes et semblent s’autoalimenter en France, avec davantage de Français manifestant une intention d’entreprendre, percevant des opportunités et exposés à l’entrepreneuriat.
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Un nouveau sommet historique de la création d’entreprise en France
En 2024, plus d’un million de nouvelles entreprises ont été créées en France. Avec la quatrième année consécutive où la création d’entreprise dépasse le million, le dynamisme entrepreneurial français semble s’intensifier.
Créations d’entreprises en France par statut juridique
Lecture : 1 111 238 entreprises nouvelles ont été créées en France en 2024, dont 64 % de micro-entrepreneurs (anciennement appelés « auto-entrepreneurs »)
Champ : France entière, unités légales productives et marchandes, exerçant une activité non agricole (données brutes).
Source : Insee (SIDE)
En effet, l’année 2024 marque un nouveau sommet historique. Avec exactement 1 111 238 nouvelles immatriculations d’unités légales, la création d’entreprise bat un nouveau record, comme ce fut le cas chaque année depuis 2016, sauf en 2023 (pour plus d’informations concernant le changement de tendance à partir de 2016, se référer à l’Annexe en fin d’article). Ce chiffre induit également 1 création pour 5 entreprises existantes. En effet, en 2022 (dernière année disponible à date) la France comptait un stock de 5,5 millions d’entreprises économiquement actives[1], auxquels viennent s’ajouter un million de nouvelles entreprises tous les ans depuis 2021.
En revanche, cela n’engendre pas une hausse mécanique du stock d’entreprises à hauteur d’un million tous les ans : certaines entreprises créées ne seront pas pérennes et d’autres ne démarreront aucune activité économique après leur immatriculation. C’est le cas d’un tiers des micro-entrepreneurs[2], qui ne démarreront pas une activité économique après leur création. C’est pourquoi le stock d’entreprises économiquement actives en France n’augmente « que » de 1,6 millions entre 2014 et 2022, alors qu’on dénombre 7 millions de créations d’entreprises sur la même période.
Le taux de renouvellement des entreprises – créations rapportées au stock – peut ainsi être un indicateur de la dynamique entrepreneuriale mais aussi d’un niveau de concurrence élevé ou d’un taux de pérennité faible (beaucoup d’entrants et beaucoup de sortants). Il peut aussi être pollué par des périodes d’engouement comme en 2021 dans les activités d’édition de journaux, où la création d’entreprise avait été multipliée par 9 en un an. C’est pourquoi, l’analyse en taux d’évolution devra venir compléter cet indicateur, pour témoigner, elle aussi, d’un dynamisme en ébullition.
Climat des affaires et évolution de la création d’entreprise en France
Champ : France entière, unités légales productives et marchandes, exerçant une activité non agricole (données brutes).
Source : Insee (SIDE, enquêtes de conjoncture)
En effet, après 2 années quasi-étales, la création d’entreprise augmente de + 6 % par rapport à 2023 soit son rythme d’évolution annuelle moyenne sur les dix dernières années.
S’agissant de créations d’entreprise, il s’agit de flux entrants, même en période de décroissance : en 2023, même avec une évolution de – 1 % par rapport à 2022, 1 million de nouvelles unités de production[3] avaient néanmoins été introduites en France. En 2024, malgré un climat des affaires détérioré[4] la dynamique était à la hausse.
Au niveau sectoriel, trois secteurs s’imposent comme locomotives de la création d’entreprises en 2024, mais aussi sur les dix dernières années. L’industrie, les transports et entreposage et les activités de soutien aux entreprises ont non seulement connu des évolutions supérieures à + 10 % cette année mais elles affichent aussi des taux de croissance annuels moyens élevés depuis 2012. Cependant, sur les 67 000 entreprises créées dans l’industrie en 2024, un tiers concernait les activités de production d’électricité (code APE[5] : 3511Z), à savoir des particuliers qui revendent le surplus de leurs installations photovoltaïques aux fournisseurs d’énergie. De la même façon, les deux tiers des entreprises créées dans les transports concernaient les activités de poste et de courrier (5320Z), soit des livreurs à domicile, qui pour la plupart travaillent via une plateforme numérique[6]. Les activités scientifiques et techniques, secteur jadis porteur de la dynamique (+ 7 % de créations par an en moyenne depuis 2012) subissent le déclin des activités de conseils (7022Z) cette année, tandis que la dynamique entrepreneuriale dans l’immobilier (- 5 %) et la construction (+ 1 %) semble être affectée par un marché immobilier stagnant.
Une volonté entrepreneuriale toujours aussi forte et qui s’auto-alimente
Malgré l’hétérogénéité des évolutions sectorielles, qui sont aussi le reflet de grandes tendances sociétales (uberisation, énergies renouvelables, digitalisation, nomadisme numérique…), la création d’entreprises est en hausse dans chacun des secteurs sur les dix dernières années et les Français affichent une implication entrepreneuriale toujours croissante.
D’après l’Indice entrepreneurial français (IEF), 32 % des Français seraient dans une dynamique entrepreneuriale en 2023 en étant chef ou ex-chef d’entreprise, porteur d’un projet entrepreneurial ou en ayant l’intention de le faire. La même année, la moitié des Français de 18-64 ans percevaient de opportunités favorables pour créer une entreprise, d’après le Global Entrepreneurship Monitor (GEM).
Si en 2024, cette part des opportunités perçues a fortement reculé à 43 %, elle a été croissante sur les 25 dernières années, tout comme la part des Français ayant des intentions entrepreneuriales (14 % en 2024 contre 3 % en 2002) ou étant propriétaires d’une entreprise (4 % en 2024 contre 1 % en 2002). D’ailleurs, la part des intentions entrepreneuriales en France est légèrement supérieure qu’aux Etats-Unis (13 % en 2024) ou en Allemagne (11 %) malgré une plus faible part de propriétaires d’entreprises (7 % aux Etats-Unis et 6 % en Allemagne en 2024).
Ce fossé entre les intentions et la concrétisation exprimerait-il alors des intentions entrepreneuriales non concrétisées et donc un vivier d’entrepreneurs potentiels en dormance en France ?
Il est vrai qu’aujourd’hui, les Français semblent privilégier le salariat. D’après l’IEF, 4 Français sur 10 estimeraient qu’occuper un emploi salarié serait un choix de carrière idéal contre un quart des Français préférant une carrière entrepreneuriale. Or cette part monte à 43 % chez ceux fortement exposés à l’entrepreneuriat par leur entourage, les formations ou leurs propres expériences entrepreneuriales.
De plus, lorsqu’on interroge les deux tiers de Français en dehors de toute dynamique entrepreneuriale, sur leurs freins à un projet de création / reprise, il s’avère que 3 sur 10 – soit 20 % des Français[7] – n’ont jamais songé à entreprendre. Cette part est encore une fois, plus élevée chez ceux qui sont faiblement exposés à l’entrepreneuriat (34 % vs 9 % chez les fortement exposés). Ainsi l’acte entrepreneurial serait son propre catalyseur et facilitateur, les entrepreneurs créant plus d’entrepreneurs potentiels autour d’eux, mais augmentant aussi leur propre chance de recommencer. En effet, toujours d’après l’IEF, 9 porteurs de projets sur 10 en 2023 auraient déjà un projet de création / reprise d’entreprise à leur actif.
Les Français face à un projet de de création / reprise d’entreprise
Lecture : en 2023, 68 % des Français sont en dehors de toute dynamique entrepreneuriale (aucun projet ni intention). Parmi eux, 30 % n’ont jamais songé à créer ou reprendre une entreprise, soit 20 % des Français au global.
Champ : personnes âgées de 18 ans et plus, résidant en France métropolitaine.
Source : Observatoire de la création d’entreprise, Indice entrepreneurial français 2023.
Si l’expérience personnelle ou celle des pairs semble être un facilitateur déterminant, il ne faut tout de même pas négliger les difficultés réelles exprimées dans cette voie. En effet, 8 Français sur 10 estiment qu’être entrepreneur pèse sur la vie de famille et la santé. Par ailleurs, plus de 4 Français sur 10 en dehors de toute dynamique entrepreneuriale, soit 30 % des Français, expriment des freins concrets à un projet de création / reprise d’entreprise comme le poids des responsabilités, le risque de l’échec ou l’insuffisance des revenus.
La question serait alors, non seulement d’accroitre l’exposition entrepreneuriale des Français (par la sensibilisation, les formations et en facilitant l’échange avec des entrepreneurs), mais aussi d’adresser les freins réels perçus en amont et vécus à l’aval par les chefs d’entreprise, tout en veillant à ce que l’entrepreneuriat ne soit pas subi – précariat, salariat dissimulé… – mais choisi.
Annexe :
La conjonction d’un contexte macroéconomique favorable avec l’essor de certains secteurs et pratiques de consommation ont permis une accélération de la création d’entreprises à partir de 2016.
En effet, après le choc fiscal entre 2011 et 2013 en lien avec la crise de la dette souveraine dans la zone euro, les évolutions juridiques et réglementaires à partir de 2014 (le Pacte de responsabilité, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la loi Macron, la loi PACTE, les baisses successives de l’IS, la loi relative à la simplification de la vie des entreprises …) ont eu des effets palpables sur l’inversion de la courbe du chômage et le retour de la croissance et de l’investissement, instaurant ainsi un climat des affaires positif jusqu’à la crise sanitaire en 2020.
En parallèle, cette période a également vu l’hyper-croissance de certains secteurs, en concomitance avec l’essor des plateformes numériques. Ainsi les activités de vente à domicile, de services à la personne, de transports de voyageurs par taxis et les activités de poste et de courrier ont connu une explosion avec l’arrivé des plateformes de vente en ligne, d’Uber puis des plateformes de livraison de plats à domicile (Uber Eats, Deliveroo…). En 2020, cinq activités (4932Z – Transports de voyageurs par taxis, 5320Z – Autres activités de poste et de courrier, 9609Z – Autres services personnels, 4791A – Vente à distance sur catalogue général et 4791B – Vente à distance sur catalogue spécialisé) ont constitué 1 création d’entreprise sur 6 en France.
Par conséquent, cette période a aussi propulsé – et a été impulsé par – un développement du régime micro-entrepreneurial, dont la part est passé de 47 % des entreprises créées en 2016 à 61 % en 2020.
Il convient tout de même de noter que cette période a aussi vu la croissance des créations d’entreprises dans la restauration rapide, les agences immobilières, les activités de programmation informatique et de conseil, témoignant d’un changement de paradigme dans le rapport des Français à l’entrepreneuriat.
Sources :
- OBSERVATOIRE DE LA CREATION D’ENTREPRISE DE BPIFRANCE (2024) – La création d’entreprise en France en 2024
- OBSERVATOIRE DE LA CREATION D’ENTREPRISE DE BPIFRANCE (2023) – Indice entrepreneurial français 2023
- OBSERVATOIRE DE LA CREATION D’ENTREPRISE DE BPIFRANCE (2021) – Indice entrepreneurial français 2021
- INSEE (2025) – Entre 2014 et 2022, une augmentation de 42 % du nombre d’entreprises économiquement actives
- INSEE (2023) – Près de la moitié des micro-entrepreneurs ayant démarré leur activité en 2018 sont encore actifs trois ans après
- INSEE (2023) – Micro-entrepreneurs immatriculés en 2018 : dans les transports, deux sur trois travaillent via une plateforme numérique
[1] Entre 2014 et 2022, une augmentation de 42 % du nombre d’entreprises économiquement actives – Insee Première – 2045
[2] Près de la moitié des micro-entrepreneurs ayant démarré leur activité en 2018 sont encore actifs trois ans après − Micro-entrepreneurs immatriculés en 2018 : situation initiale et situation en 2021, 3 ans après la création | Insee
[3] Définition européenne d’une création d’entreprise : création de nouveaux moyens de production ; redémarrage d’une activité après une interruption de plus d’un an ; redémarrage d’une activité après une interruption de moins d’un an, mais avec changement d’activité ; reprise, par une entreprise nouvelle, des activités d’une autre entreprise s’il n’y a pas continuité entre la situation du cédant et celle du repreneur, en termes d’activité et de localisation.
[4] De plus elle a concerné toutes les régions à part Mayotte et Martinique qui étaient dans le rouge cette année, vraisemblablement sous l’effet d’évènements climatiques majeurs et de tensions sociales.
[5] Le code APE, ou code d’Activité Principale Exercée, permet d’identifier la branche d’activité principale d’une entreprise ou d’une société.
[6] Micro-entrepreneurs immatriculés en 2018 : dans les transports, deux sur trois travaillent via une plateforme numérique − Micro-entrepreneurs immatriculés en 2018 : situation initiale et situation en 2021, 3 ans après la création | Insee
[7] 2/3 des Français seraient en dehors de toute dynamique entrepreneuriale et parmi eux, 3 sur 10 exprimeraient au moins un frein à projet de création reprise, soit 2 Français sur 10 (3/10 des 2/3).