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La BNS ou le Retour du Risque Déflationniste (Policy Brief)

2025 01 09 La Bns Ou Le Retour Du Risque Deflationniste Policy Brief

La Banque nationale suisse (BNS) a réduit son taux directeur pour la quatrième fois en décembre 2024, de 25 points de base. Cette décision était anticipée, notamment par les investisseurs. La désinflation en cours, avec une augmentation des prix de +0,7 % sur un an, devrait se poursuivre en raison de l’appréciation du franc suisse ces derniers trimestres, affectant désormais les biens et services importés. Par conséquent, les prévisions d’inflation moyenne pour 2025 ont été révisées à la baisse, passant de +0,6 % à +0,3 %.

De nouvelles baisses sont désormais attendues pour 2025. M. Schlegel, le gouverneur de la BNS, a confirmé que de nouvelles réductions de taux sont hautement probables. Les investisseurs anticipent une baisse du taux BNS vers les 0 % au 1er semestre 2025. Toutefois, cette baisse sera moins prononcée qu’aux États-Unis ou dans la zone euro. En réaction, l’appréciation du franc suisse devrait se poursuivre à court, moyen et long terme. Dans une interview avec Bloomberg, M. Schlegel a indiqué que les conditions de marché du franc suisse étaient appropriées – ou que le franc suisse n’était pas surévalué, tandis que la BNS a confirmé dans son communiqué que les achats de devises, observés durant l’été, se poursuivraient.

Les fondamentaux économiques suisses justifient en effet une réduction des écarts de taux d’intérêt entre les marchés étrangers et la Suisse, ce qui conduit à l’appréciation du franc suisse. Le rôle de la BNS sera donc de ralentir cette appréciation face au dollar et à l’euro, en s’assurant qu’elle se fasse de manière plus graduelle. Cette stratégie reflète les théories avancées dans des travaux universitaires comme ceux de Borio et Disyatat (2011), qui soulignent l’importance de la politique monétaire dans la stabilisation des conditions financières globales et locales.

Pour la Banque Nationale Suisse, 2024 aura été une année charnière. Le risque de surchauffe économique, et d’inflation supérieure à +2 %, n’est plus la principale préoccupation, bien que les loyers continuent d’augmenter de +3,3 % sur un an. À l’inverse, le risque déflationniste inquiète désormais et constitue déjà une réalité pour plus d’un quart des dépenses quotidiennes des ménages suisses : l’inflation importée est actuellement de -2,3 % sur un an. Cette situation reflète les dynamiques décrites par Svensson (2003), qui a analysé les défis des banques centrales dans la gestion simultanée des risques inflationnistes et déflationnistes.

Les Facteurs Structurels de la Déflation

 La déflation en Suisse est un risque lié à quatre facteurs structurels. Premièrement, le ralentissement économique mondial est davantage marqué dans la zone euro. L’Allemagne, et dans une moindre mesure la France et l’Italie, sont des partenaires commerciaux importants. La faiblesse de la dynamique de croissance dans ces pays réduit les opportunités liées aux marchés extérieurs, ce qui freine la demande et l’augmentation des prix. Deuxièmement, l’appréciation du franc suisse, qui s’est appréciée en moyenne de +3 % par an au cours des 70 dernières années, contribue négativement à la pression inflationniste. Le ralentissement économique exacerbe ainsi les baisses de prix en Suisse. Troisièmement, la croissance des salaires a historiquement été inférieure à celle de la productivité. Bien que cela soit positif pour la compétitivité, cela limite le potentiel de croissance des dépenses de consommation privée.

Ces éléments sont cohérents avec les recherches de Taylor (1993), qui mettent en avant l’importance de la règle de Taylor pour ajuster les taux d’intérêt en fonction des écarts de production et d’inflation. La stratégie de la BNS semble refléter cette règle en répondant activement aux pressions économiques.

Les Options de la BNS pour Contenir la Déflation 

Le quatrième facteur pourrait nécessiter de nouvelles mesures de la BNS. Le ralentissement économique pourrait conduire les banques à devenir plus sélectives dans l’octroi de nouveaux crédits à moyen terme. Pour éviter une contraction excessive de l’offre de crédit, qui ralentirait davantage l’activité économique et favoriserait un retour à la déflation, la BNS dispose de trois options principales.

  • La première option consiste à poursuivre la réduction du taux directeur, une mesure largement anticipée par les marchés. Cette approche vise à réduire l’incitation des banques à déposer leurs excédents de réserves auprès de la BNS et à stimuler les crédits en rendant le coût du capital plus attractif.
  • La deuxième option serait d’abaisser le taux d’intérêt sur les dépôts à vue dépassant le seuil déterminant leur rémunération. Actuellement, ces dépôts au-delà du seuil sont rémunérés à 0,5 %, mais cette rémunération pourrait être abaissée rapidement à 0 %. Cela réduirait davantage l’attractivité de maintenir des liquidités inutilisées à la BNS.
  • Enfin, la troisième option consisterait à abaisser le coefficient déterminant ce seuil. Cela augmenterait significativement le montant des réserves excédentaires rémunérées au taux directeur, incitant ainsi les banques à réorienter ces fonds vers l’octroi de crédits.

L’objectif de stabilité des prix poussera donc la BNS à se concentrer davantage sur les pressions déflationnistes dans nos économies. Cette dynamique illustre les observations de Mishkin (1997), qui souligne que la crédibilité des banques centrales est cruciale pour ancrer les anticipations des marchés et prévenir des spirales déflationnistes.

 

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Références universitaires :

Borio, C., & Disyatat, P. (2011). « Global and the financial crisis: Link or no link? »

Svensson, L. E. O. (2003). « Escaping from a liquidity trap and deflation: The foolproof way and others. »

Taylor, J. B. (1993). « Discretion versus policy rules in practice. »

Mishkin, F. S. (1997). « Strategies for controlling inflation. »

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