De l’importance des PME pour soutenir l’économie européenne au rôle moteur de l’innovation dans la croissance mondiale
Résumé :
– Constat : à l’exception des allemandes, les PME européennes ont souffert durant la crise, avec un taux de faillite important et une « sélection darwinienne » sévère.
– Diagnostic : Les entrepreneurs manquent de confiance en l’avenir, et ne sont pas assez tournés vers les exportations. Cela s’explique en partie par une fiscalité changeante, une demande mondiale faible et l’absence de réglementation stricte sur les délais de paiement.
– Propositions de réformes : pousser les entrepreneurs à se lancer, développer la communication intra-branche, faciliter l’accès des PME aux financements de marché et réformer la fiscalité au niveau européen.
Le colloque annuel du risque-pays organisé par la Coface, l’un des leaders mondiaux de l’assurance-crédit, s’est déroulé Mardi 27 Janvier à Paris. Sa première table ronde s’est intéressée aux forces vives de l’économie européenne : les PME.
Le panel de spécialistes regroupait des représentants de trois acteurs clés pour les PME – l’Entreprise, la Banque et l’Etat – avec la présence du Directeur Général de la Banque Publique d’investissement (BPi) France, de la Directrice des études économiques du groupe Crédit Agricole (CA) et de deux chefs d’entreprise (une française et un italien).
Les intervenants ont d’abord dressé le constat de ces six dernières années de crise économique durant lesquelles les PME ont fait face à de grandes difficultés. Les PME se seraient vues affliger la double peine : un double ralentissement de la demande domestique et internationale. En Italie, pas moins de 50% des PME ont fait faillite ou ont déposé le bilan. Tandis qu’en France, on se trouverait face au « dilemme de la poule et de l’œuf » : les PME françaises représentant 50% de l’emploi et 45% de la valeur ajoutée, elles constituent l’un des principaux moteurs de l’économie française. Ainsi la reprise de leur activité est indispensable à la sortie de crise. Parallèlement, la reprise de la demande globale (donc la sortie de crise) est indispensable à la reprise de l’activité des PME.
Les intervenants se sont accordés à dire que le monde de l’entreprise était devenu plus « darwinien » que par le passé, ne laissant survivre que les entreprises les plus solides. Les PME allemandes, plus importantes par leur taille et dotées de réserves en fonds propres supérieures, ont par exemple mieux résisté à la crise que les autres. Cela s’expliquerait principalement par une stratégie commerciale davantage tournée vers l’export et une spécialisation dans la production d’équipements à forte valeur ajoutée. Pour autant, Isabelle Job, la chef économiste de CA ne croit pas que l’on puisse répliquer et appliquer le modèle allemand aux autres pays de la zone euro dans la mesure où celui-ci est intimement lié à l’histoire et la structure institutionnelle du pays. En effet, les PME allemandes doivent leur succès à une organisation fédérale efficiente avec des länder et banques bien intégrés régionalement. Le système d’apprentissage obligatoire permet en outre une bonne adéquation entre les compétences acquises lors de la formation et celles requises dans l’entreprise.(à titre de comparaison, il y a environ 1,5 millions d’apprentis en Allemagne contre seulement 400 000 en France)
Après cet état des lieux plutôt morose, les intervenants se sont attelés à diagnostiquer les sources du mal. Selon Nicolas Dufourq, DG de BPi France, ce n’est pas la situation financière des PME qui a pêché. L’activité de BPi a en effet explosé en 2014, avec une augmentation de +94% de prêts aux entreprises, « une dynamique qui se poursuivra en 2015 », selon M. Dufourq. Il impute la vulnérabilité des PME davantage à leur manque de confiance en l’avenir, qui s’est traduit entre autre par l’absence de plan stratégique sur 3 ans. « Cela dénote un manque d’ambition des chefs de PME alors que le potentiel est là ! Tout se passe comme si les entrepreneurs étaient rentrés dans une sorte de mélancolie nocturne depuis six ans » insiste M. Dufourq.
Pour Nathalie Kestener, chef d’entreprise à Restagrafqui vient de développer avec succès son activité au Maroc, le manque de confiance des entrepreneurs est en effet problématique, et en partie le résultat d’une fiscalité trop instable en France. Elle ajoute qu’au-delà de l’absence de plan stratégique, il y a également eu des erreurs stratégiques : certaines PME ont choisi de s’implanter sur des marchés en déclin. Elle dénonce enfin le manque d’efficacité des négociations « trop politiques » entre les partenaires sociaux (Medef et CGT), appelant les chefs d’entreprise à négocier par branche, afin de pouvoir échanger leurs expériences sur des sujets plus techniques et de s’entraider. Il faut également simplifier les processus commerciaux en Europe, notamment en ce qui concerne la réduction des délais de paiement. Selon elle, la Loi sur la Modernisation de l’Economie (LME) votée en 2008 a fourni un cadre réglementaire général sur les délais de paiement et gagnerait à être effectivement appliquée.
En Italie, le système managérial – trop familial, dépassé et inadapté à la mondialisation des échanges – serait le principal responsable des difficultés rencontrées par les PME.
Après cet inventaire des difficultés rencontrées par les PME, les intervenants ont réfléchi aux propositions et aux réformes qui pourraient faciliter le développement et le maintien des PME.
Le besoin de restaurer la confiance des entrepreneurs en l’avenir est revenu au centre de la discussion. Des méthodes aussi simples que le porte-à-porte permettent d’encourager les entrepreneurs à se lancer. BPi adopte déjà cette technique et souhaiterait qu’elle se généralise. Le développement de la communication intra-branche permettrait également aux entrepreneurs d’échanger leurs bons procédés, renforçant ainsi la solidarité et leur sentiment de confiance dans l’économie. « En France on est trop individualiste, il faut la jouer plus collectif » selon Mme. Kestener.
Pour M. Regina, chef d’entreprise italien chez Manifatture Sigaro Toscano, il faudrait également réformer le système de financement des PME : faciliter leur accès aux marchés des capitaux privés et permettre aux entreprises de titriser leur dette. L’Union Européenne pourrait également avoir son rôle à jouer en allant plus loin dans la construction de l’union bancaire et la lutte contre la fraude fiscale.
Enfin, les intervenants en ont appelé à réduire la réglementation qui pèse sur les entrepreneurs et le poids du taux d’imposition des entreprises (qui peut atteindre jusqu’à 85% en Italie).
Pour clore cette table ronde, il a été demandé à l’auditoire de choisir quelle était selon lui la contrainte qui pesait le plus sur les PME à l’heure actuelle. Les auditeurs avaient le choix entre 4 propositions. Les résultats du vote ont été serrés, et chaque proposition a obtenu un score proche de 25% des voix. Néanmoins c’est la fiscalité lourde qui est arrivé légèrement en tête, suivi de l’accès au financement, puis la faiblesse de la demande globale et les longs délais de paiement en dernière position.
Quelles innovations technologiques pour accélérer la croissance mondiale ?
Résumé :
– Quelles sont les innovations technologiques prometteuses aujourd’hui ? Les nouvelles technologies de l’information, la robotique, les nanotechnologies, la recherche sur les systèmes de stockage de l’énergie, les objets connectés.
– Il existe toutefois des freins à l’innovation en France: disposition réglementaires et éthiques (interdiction des OGM ou protection des données personnelles)
– La répercussion de ces innovations sur l’économie réelle génère également des craintes, au premier rang desquelles, la destruction massive d’emplois.
Cette table ronde autour de l’économie numérique s’est interrogée sur les caractéristiques de la révolution technologique et digitale, ainsi que sur ses freins et ses risques en termes de destruction d’emploi.
Eric Labaye, président du cabinet de conseil Mc Kinsey, identifie ainsi quatre grandes transformations technologiques qui devraient avoir des retombées conséquentes en termes de croissance économique. La première correspond à la révolution technologique dans le domaine des technologies de l’information comme l’automatisation de l’économie du savoir, l’internet mobile ou encore le cloud computing (baisse du coût d’accès aux softwares). Ces innovations peuvent trouver des applications dans des secteurs aussi divers que le processus de production ou le domaine de la santé. La seconde innovation majeure est la robotique. Elle permet aujourd’hui de fournir une activité de service de haut niveaux (aide à la personne, calculs, etc..), de porter le processus de production au plus près du consommateur avec l’imprimante 3D ou encore de produire des véhicules autonomes. Le troisième grand champ d’innovation est celui des nanotechnologies qui ne cesse de se développer depuis les années 2000. Enfin, la quatrième révolution technologique significative est celle des avancées dans les moyens de stockage de l’énergie, qui permettrait notamment de tirer un meilleur parti des énergies renouvelables.
Frédéric Potter, chef de Netatmo,une entreprise innovante spécialisée dans la production d’objets domestiques connectés, nous rappelle que l’innovation se fait aussi à plus petite échelle. Ces « gadgets connectés » ont eux-aussi des répercussions importantes sur notre vie quotidienne. Il encourage par ailleurs les entrepreneurs à se lancer sur le marché porteur du digital en affirmant que celui-ci est sans risque. En effet, même en cas de faillite, une expérience acquise dans la création et le lancement d’un projet innovant se revend très bien sur le marché du travail et à l’international. De plus, il n’est pas rare que des projets abandonnés ou non viables renaissent de leur cendres.
Frédéric Potter déplore néanmoins l’existence de freins à l’innovation en France. Il qualifie ceux-ci de réglementaires en citant l’interdiction de l’utilisation d’OGM, l’interdiction d’explorer les sous-sols pour exploiter les énergies non-conventionnelles ou les limites quant au développement du nucléaire. Luc Ferry, philosophe, relève également l’existence d’une certaine mentalité française qui tend à privilégier les intérêts du citoyen par rapport à ceux du consommateur et ce au détriment de l’innovation. Ainsi, le Big Data s’est développé rapidement aux Etats-Unis alors qu’il s’est heurté aux principes de précaution et de protection des données personnelles en France. Le Big Data pourrait pourtant avoir des retombées positives en termes de lutte contre le terrorisme, de gestion du trafic aérien ou de prévention des maladies.
Toutefois, ces interdictions ne traduisent pas une volonté délibérée d’aller à l’encontre de l’innovation mais relèvent de questions éthiques et sociétales sensibles.
Par ailleurs, ces innovations suscitent des craintes, plus ou moins justifiées, quant à leurs répercussions sur l’économie réelle (capital et travail). La directrice de GE, Clara Gaymard, rappelle ainsi que l’innovation technologique crée de la valeur dans l’économie réelle via l’optimisation de la performance des machines (ex : pièce d’avion connectées) ou l’amélioration du capital humain (ex : technique de séquençage de l’ADN pour prévenir les maladies génétiques).
Pour le philosophe Luc Ferry, l’innovation a néanmoins un effet pervers. Contrairement à l’idée de l’économiste Schumpeter selon laquelle l’innovation est un processus de destruction créatrice, Luc Ferry évoque une « innovation destructrice ». Selon la thèse de l‘économiste, l’innovation induit la destruction d’une activité antérieure, qui devient désuète, mais génère simultanément la création de nouveaux produits, de nouveaux processus de production et de nouveaux besoins. Selon le philosophe, l’innovation est destructrice de manière certaine, tandis que son potentiel créatif est incertain. Il prend l’exemple des destructions massives d’emploi liée à la découverte de l’imprimerie de Gutenberg, ou plus récemment, liée à l’arrivée d’Amazon face aux libraires, ou de Kayak et Trip advisor face aux agences de voyage.
La table ronde se termine de nouveau par une question posée à l’auditoire : « Pensez-vous que 2015 sera l’année de la révolution digitale ? » La réponse est « non », à une large majorité. En effet, les avancées technologiques et digitales vont sans doute révolutionner l’économie et les modes de production à l’avenir, mais il est plus probable que cette transformation se produise dans la prochaine décennie.